1871 |
1871-017
Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff)Dimanche 26 février 1871 (A)
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Cécile Target, veuve de Georges Jean Festugière
A Mme Festugière
26 Février 71
Ma chère Cécile
J'ai reçu la bonne petite lettre que tu m'écrivais, au moment où tu apprenais notre grand malheur2, et que tu ne m'as envoyée que lorsque tu as été sûre que j'en étais instruite.
Ton pauvre cœur, si cruellement éprouvé3, est plus porté que jamais à compatir aux douleurs des autres et surtout à la nôtre qui est tienne aussi, car élevée avec notre bien aimé Julien, tu avais pu apprécier toutes ses nobles qualités et aujourd'hui tes larmes se mêlent aux nôtres. Je reçois de bonnes nouvelles de mes chers parents4, ils montrent une résignation vraiment admirable, leur douleur égale leur force morale, ils puisent dans le souvenir des vertus, de la vie si sage, si remplie par l'accomplissement du devoir, de leur cher Julien, une source de consolation et leur sentiment si profondément chrétien leur donne la confiance qu'il jouit d'un bonheur parfait auprès de Dieu. Ces grandes épreuves augmentent la foi, et font bien voir combien notre vie est peu de chose, que le but est au-delà et que chacun doit s'efforcer de bien remplir sa tâche pour être réuni, un jour, à tous ces bien-aimés qui nous ont précédés.
J'ai été bien contente d'apprendre que tes petits enfants5 allaient bien, ils doivent être pour ton cœur une douce occupation. As-tu de bonnes nouvelles de tes parents6 ? Je ne sais rien d'eux depuis le 20 Janvier, et à cette époque ton père était à la tête de la garde nationale.
Plus de 80 obus sont tombés sur le jardin des Plantes ; M. Lafisse, toujours dévoué à la famille, a emmené chez lui mes parents et Alfred7 ; Aglaé8 est restée dans les caves du Jardin.
Constance9 est-elle encore à Arcachon ? Elle a été bien bonne pour moi dans ces tristes circonstances, tâchant de m'adoucir la triste réalité.
J'ai la consolation de voir partager mes regrets par mon mari10 et mes chères petites filles11 qui eux aussi étaient si heureux de la perspective d'avoir notre Julien au milieu de nous. Mais Dieu en avait décidé autrement.
Adieu, chère Cécile, je t'embrasse de tout cœur, donne-moi de tes nouvelles.
Mon mari t'envoie ses compliments affectueux.
ta cousine et amie
Eugénie Mertzdorff
Notes
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D’après l’original
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