1874 |

1874-79

Charles Mertzdorff

Mardi 1er décembre 1874

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

Mardi 1<sup>er</sup> décembre 1874

Mardi 1<sup>er</sup> décembre 1874

Mardi 1 Xbre 74

Marie, mein allerliebstes Kind1    

Comme toujours la visite de ta bonne lettre m'a fait le plus grand plaisir, elle me portait comme tu as pu le voir une lettre de Sœur Bonaventure.

Tu me dis que vous allez tous bien & que bonne-maman2 est levée, un peu de patience & elle se remettra aussi.

Mon papier tout en étant chargé d'une volumineuse cargaison de baisers doit te dire que les santés à Vieux-thann sont bonnes. Ton papa, personnage important de la localité a bon appétit, il boit bien aussi comme tu sais & quant au sommeil il a grande peine à se coucher à 11h & bien plus grande encore à se lever à 7h le plus souvent. Oh honte à 7 ½ !! Il me semble qu'il a bonne mine grâce au temps doux de ces derniers jours.

L'oncle3 est à sa caisse en compagnie de M. Jaeglé4 bavardant beaucoup de tout & de tous. C'est te dire que lui aussi va bien.

Dimanche matin, le temps était si mauvais, il pleuvait tant que les Dumeril5 n'ont pas bougé de Morschwiller & que moi je suis resté toute ma bonne journée du Dimanche à la maison. Le matin au bureau & l'après-midi dans toute les maisons. Pour prendre l'air j'ai rôdé dans toutes les cours, mesuré, examiné & compté toutes les petites places, tous les petits coins pour recevoir les équipages de ces Demoiselles.

Je les chasse de leur maison & je suis fort embarrassé de les loger & encore, il y en a tant de ces paresseux qu'ils m'embarrassent fort. Tu vois je n'ai pas manqué de distractions ; & je t'assure que je me tiens une compagnie fort agréable. Nous causons du passé, du présent un peu & de l'avenir aussi & nous n'arrêtons pas un moment. Cent fois les mêmes pensées & chaque fois elles trouvent audience.

Hier la matinée a été bien belle, vrai jour de printemps, aussi l'après-midi ayant reçu ta lettre j'étais faire visite à bonne Sœur Bonaventure. La pauvre sœur était bien démontée nous avons beaucoup causé de son orphelinat. Mais comme l'on ne sait pas encore s'il y a oui ou non testament de M. le curé6, nous avons remis à plus tard la détermination à prendre. Je crains bien que toute l'affaire ne soit vendue ; mais j'ai dit à la chère Dame qu'il n'était pas possible de laisser tomber une œuvre qui élève 95 enfants. En attendant elle marchera comme elle pourra, on l'aidera & dans quelques mois lorsque le moment sera venu l'on verra.

De chez cette bonne Sœur j'étais chez les Henriet. M.7 a été bien sérieusement malade, il va un peu mieux & je lui ai trouvé bien triste mine. Mme8 par contre ne va pas mal grâce à ses 3 manteaux qu'elle porte dans la chambre chauffée à 25°. Les Demoiselles9 étaient là aussi. Je suppose que Jeanne continue les leçons auprès <d'anciennes> sœurs de l'école parce qu'elle est rentré vers 5h avec l'une des sœurs, qui est de suite repartie.

Quoiqu'installés dans leur maison tous regrettent Wattwiller il paraît que les Jeunes filles n'ont absolument aucune société & l'on a hâte de voir le père assez remis pour aller avec ses filles voir les petites Berger10 ce sont en effet les seules jeunes filles des environs. A Cernay elles trouvaient plus de société. Tu vois que là aussi je n'ai trouvé de gai, j'y suis cependant resté fort tard à causer, il était 6h lorsque je rentrais chez moi.

J'ai mis 3h pour faire 2 visites, cela compte ? Comme je suis depuis longtemps sans nouvelles de Nancy11, je viens d'écrire longuement à tante Emilie mais je sais qu'ils vont bien.

Il paraît qu'à Thann bon nombre voudraient avoir notre curé d'ici12. Ou celui de <Durmenach13> ; mais rien n'est décidé ; il faut que la nomination soit approuvée par S.M. Guillaume14, notre évêque15 ne veut pas faire de prison.

Pour le nouvel an les sœurs institutrices de Cernay Thann & autres, toutes sortant du couvent de Nancy doivent quitter par ordre supérieur, l'on dit qu'on veut les remplacer <par celles de Ribeauvillé> & c'est pour cela que l'on retire des sœurs des communes qui en ont beaucoup <comme> Vieux-Thann Uffholtz etc. Pour le moment nos écoles sont dans le plus triste des états & cela durera encore bien des années. Instituteurs & Institutrices manquent

Tu diras à ta sœur16 que ses confitures sont délicieuses, un pot tout entier y a passé. Ce soir je vais être tout seul au souper & probablement je mangerai une bonne tartine à sa santé. Mais après j'arrêterai ma gloutonnerie & réserverai les quelques petits pots qui restent pour une occasion plus solennelle.

Notre Nanette17 est bien triste & affectée par la mort de M. Rieff18 & d'une amie intime de sa belle-fille qu'elle aimait bien. Il y a bien longtemps qu'elle n'a plus de nouvelles de ses enfants d'Algérie.

Hier j'ai manqué la visite de M. Berger19 qui venait demander de vos nouvelles. jeudi prochain je vais aller le voir.

Embrasse bien tous ceux qui t'entourent20 & t'aiment pour moi tout à toi

ton père qui t'aime  Charles Mff.

Notes

1 Marie, ma très chère enfant.
2 Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
3 Georges Heuchel.
4 Frédéric Eugène Jaeglé.
5 Louis Daniel Constant Dumeril et son épouse Félicité Dumeril.
6 Jean Baptiste Grienenberger (†), curé de Thann.
7 Louis Alexandre Henriet.
8 Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
9 Gabrielle et Jeanne Henriet.
10 Marie et Hélène Berger.
11 Nancy où vivent Emilie Mertzdorff et son époux Edgar Zaepffel.
12 François Xavier Hun, curé de Vieux-Thann.
13 Antoine Muller est curé de Durmenach.
14 Guillaume Ier, roi de Prusse, empereur d’Allemagne.
15 André Raess, évêque de Strasbourg.
16 La jeune Emilie Mertzdorff.
17 Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
18 Charles Sylvestre Rieff.
19 Louis Berger.

Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Charles Mertzdorff, «Mardi 1er décembre 1874», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1874,mis à jour le : 17/10/2013

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

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