1874 |
1874-88
Charles MertzdorffSamedi 26 décembre 1874
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Ma chère Marie
Un bon bec pour ta lettre reçue ce matin, elle me dit que vous allez bien tous & cette présente a absolument le même but.
La maisonnée & tous les alentours, aboutissants etc. vont bien & le chef en particulier se réjouit d'une bonne santé ; il faut dire aussi qu'il ne craint pas d'employer tous les moyens conservateurs possibles. Entre autre ; cette nuit pluie & tempête ; Un étranger n'aurait vu encore à 7h du matin, qu'un gros nez sortir de dessous triples couvertures. Puis le temps a changé & la pluie fait place à une bonne grosse neige.
J'ai bien un peu imprudemment pataugé dans la neige tant soit peu boueuse. Mais dès que j'ai senti le froid & la mouille, j'ai de suite réchauffé, dorloté dans de bonnes pantoufles bien chaudes, ces pauvres petits pieds & les voilà dans de doubles chaussures bien sèches.
Si je suis conservateur aussi consciencieux c'est que, ma mignonne chérie, dans trois jours je vais me mettre en route & voudrais au moins arriver sans rhume qui m'empêcherait d'embrasser mes choux chéries1. Voilà le secret de tous ces soins minutieux que je viens de prendre.
Hier j'étais à Morschwiller & quoique Oncle & tante Georges2 aient pris la voiture pour aller chez les Stoecklin, j'ai préféré aller à pied & chemin de fer. Il faisait mauvais temps, il pleuvait & l'on avait de la peine a marcher, mais cette promenade ne m'a pas été désagréable, pour rentrer j'ai pris la voiture. Demain nos parents de Morschwiller3 viennent ici. Nous nous proposons de bien fêter la nouvelle année par anticipation comme tu vois.
Jeudi dernier j'avais écrit deux pages à Emilie4, mais j'ai quitté cette petite chérie & n'ai pu trouver un moment pour continuer. Hier au soir j'étais un peu fatigué & j'ai passé ma soirée tout seul à penser beaucoup à vous, à nos fêtes de Noël d'autrefois & à tant de choses du passé que le présent m'a échappé. Et c'est pour cela que cette chère enfant n'a pas reçu ma lettre.
Il reste toujours décidé que je quitterai Mardi soir pour vous embrasser Mercredi matin. préparez vos bonnes joues. Ce Jour de paye & d'étrennes : mauvais pour la caisse & cependant c'est bien peu pour chacun & trop pour le travail d'aujourd'hui ;
Du village je ne sais rien. Hier j'ai vu M. Flach5 qui m'a assuré que tous les instituteurs ont dû promettre qu'ils ne donneraient pas de leçons de français même particulières. C'est un parti pris. & d'ici peu d'années personne ne comprendra plus un mot de français.
Je n'ai pas vu les sœurs de l'école & n'étant pas ici au nouvel an ne les verrai pas. Celles de Thann quittent & vont être remplacées par des sœurs de Ribeauvillé me dit-on ; comme celles de Cernay.
Sœur Bonaventure m'a fait inviter pour l'arbre de Noël d'hier, mais allant à Morschwiller j'ai eu une bonne excuse pour ne pas y aller.
Rien encore pour la Cure de Thann6.
Voilà ma petite chérie toutes les nouvelles de la semaine, car de la fabrique je n'aurais rien de bien intéressant à te dire. Le progrès ne se fait pas vite & se fait attendre trop souvent. De la maison encore bien moins. Nanette7 est dans la joie, car l'on vient de lui adresser une vue de Dellys & les portraits de ses 3 petits-enfants.
Mille baisers pour que tu en distribues en attendant que je le fasse moi-même
ton père qui t'aime
Charles Mertzdorff
Samedi 26 Xbre 74.
Notes
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D’après l’original
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