1914 |

1914-09

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart)

Lundi 23 novembre 1914

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Léon Damas Froissart (Campagne les Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)

Lundi 23 novembre 1914

Brunehautpré Campagne-les-Hesdin   
Brimeux  Pas-de-Calais1

23  9bre

Mon cher Louis,

Je pense que tu es heureux et fier de savoir que le nom de Froissart a un nouvel héritier. J'augure très bien de ce Jacques II2 arrivé au bruit du canon et qui aura, avant de voir le jour, participé à la vaillance de sa mère3 dans les tristes jours qu'elle a traversés depuis 3 mois.

Te voilà donc complètement et parfaitement inoculé et désormais à l'abri des microbes du typhus ; mais tu l'as acheté cher cette sécurité et n'a peut-être pas fini de la payer. En somme tu as eu plus de grippe que de vaccin dans ta fièvre. Pauvre garçon, il paraît que, bien que ressuscité, tu es encore tout palot et fatigué.

Je ne te donne pas de nouvelles de Michel4 puisque tu en as de détaillées, me dit Lucie5. Nous n'en avons pas de Pierre6 depuis la lettre du 13.

J'ai correspondu avec Laure7 qui est toujours à Cognac : Cagnicourt est brûlé. Jules n'est pas parti avec le dernier départ comme il s'y attendait, de sorte qu'elle reste encore avec lui à Cognac. Elle s'occupe d'André8. Une dame qui est à son hôtel écrit à un officier du 46; mais les nouvelles qui me viennent aujourd’hui d'Hélène9 sont encore plus précises puisqu'elle a une lettre du capitaine d'André d'où il résulte qu'il a disparu le 24 7bre.

Les Dupont10 sont allés hier voir les Digard11. M. Digard n'a voulu rien dire à Alfred ; il paraît ne pas vouloir attacher d'importance aux bruits qui circulent, mais Alfred a le sentiment qu'il ne veut surtout pas laisser sa femme se reprendre à un espoir si incertain.

Alfred et Jeanne vont nous rester quelque temps ; ils sont allés rechercher leurs affaires à Boulogne d'où ton père12 les ramènera demain, car il va demander une prolongation pour son permis de circulation.

Il a bien mal à la jambe, ton pauvre papa et ferait beaucoup mieux de rester tranquille et surtout de ne pas s'exposer au froid. Mais comment obtenir cela ?

Penses-tu revenir bientôt ? Je suis encore très enrhumée. Brunehautpré est tout blanc. Alexandre13 vient de trouver de l'essence, du pétrole et un pneu à Paris-Plage. C'est un grand bonheur car nous étions menacés de nous trouver dans la nuit malgré toutes nos économies de luminaire et de ne pouvoir plus rouler.

Je t'embrasse bien affectueusement, cher petit, ainsi que Lucie et les petits14

Emy

J'ai reçu aujourd’hui une charmante lettre de Corpet qui me donne des nouvelles de Michel.

Merci à Lucie de sa lettre de Vendredi.

Notes

1  En-tête imprimé.

2  Jacques Damas Froissart.

3  Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.

4  Michel Froissart, frère de Louis et de Jacques.

5  Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote, et sœur de Louis.

6  Pierre Froissart, frère des précédents.

7  Laure Froissart, épouse de Jules Legentil ; ils sont propriétaires à Cagnicourt (arrondissement d’Arras).

8  André Duméril.

9  Hélène Duméril, épouse de Guy de Place et sœur d’André.

10  Alfred Dupont et son épouse Jeanne Descat.

11  Georges Digard et son épouse LuciePlichon, dont le fils Pierre est présumé tué.

12  Léon Damas Froissart.

13  Alexandre, chauffeur chez les Froissart.

14  Lucie Froissart et ses enfants : Anne Marie, Suzanne, Georges et Geneviève Degroote.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart), «Lundi 23 novembre 1914», correspondancefamiliale [En ligne], 1910-1919, Correspondance familiale, 1914,mis à jour le : 15/09/2014

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Danièle Poublan

Cécile Dauphin

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