1915 |

1915-21

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart)

Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Léon Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Les Lecques)

Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915

Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915

29, RUE DE SEVRES. VIE1

18 Avril

Mon cher Louis,

J'ai été bien contente de recevoir ta lettre ce matin, car je ne savais plus où te prendre, où t'envoyer de l'argent et du linge, car je pensais bien que tu manquerais de celui-ci comme de celui-là puisque j'avais reçu ton envoi de Guérigny.

J'approuve pleinement les dispositions que tu prends pour te rapprocher d'un philosophe émérite2 et travailler dans un petit coin tranquille et sain à proximité de conseils éclairés. Il me semble que ton papa3, assez inquiet au point de vue de ton travail de la prolongation de ta vie nomade, approuvera comme moi ta villégiature aux Lecques, villégiature studieuse et copieusement aérée, en bonne et agréable compagnie.

Je n'ai pas pu communiquer à ton papa ta lettre arrivée ce matin, parce qu'il est parti hier soir pour aller voir Guy4 à Besançon avant que celui-ci parte avec une compagnie de ravitaillement d'artillerie lourde. C'est décidé et cela se fera bientôt. Peut-être ton papa essaiera-t-il de gagner de là Vieux-Thann... il a emporté son uniforme à cet effet, mais je doute que la permission d'aller en Alsace s'obtienne bien facilement. Enfin il est toujours bon d'essayer.

Nous pensons aller à la fin de la semaine à Brunehautpré pour y passer une dizaine de jours ; je voudrais y rester jusqu'au 2, jour de la 1re Communion. Anne Marie5 nous rappellera peut-être un peu plus tôt, si la date de sa première communion qui avait été remise au 6 était avancée par suite de circonstances trop longues à t'expliquer.

Notre pauvre Jacques6 est parti Jeudi bien triste, mais bien courageux

Lundi 19. et ce matin nous recevons une lettre d’Henri7 qui a vu Jacques Vendredi et passé sa soirée avec lui ce qui leur a semblé bien lourd à tous les deux... Jacques partait le lendemain pour une petite localité belge entre Ypres et Poperinghe. Il doit être bien près de la ligne de feu et il y est peut-être même aujourd'hui. Henri a enfin satisfaction et s'attend à partir incessamment pour Beauvais. J'espère bien qu'il y restera assez pour que Lucie8 puisse aller l'y voir et peut-être lui mener les enfants ?

Je t'envoie 300 F par mandat carte cela ira peut être plus vite qu'une lettre chargée.

Je t'écris de mon lit sans avoir des raisons plus graves que d'ordinaire pour m'y trouver ; cela t'explique ma si mauvaise écriture. Je t'embrasse tendrement, mon cher enfant et je jouis du fond de mon lit des beautés qui m'ont enchantées l'an dernier ; je les revois par tes yeux.

EM

Notes

1 En-tête imprimé.

2 À titre d'hypothèse : auprès du linguiste et philologue Jean Psichari (1854-1929) ?

3 Léon Damas Froissart.

4 Guy Colmet Daâge, beau-frère de Louis.

5 Anne Marie Degroote.

6 Jacques Froissart, frère de louis.

7 Henri Degroote, beau-frère de Louis.

8 Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote, et mère de Anne Marie, Suzanne, Georges et Geneviève Degroote.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart), «Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1910-1919, 1915,mis à jour le : 08/12/2016

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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F-75006 Paris