1918 |
1918-090
Emilie Mertzdorff (épouse Froissart)Mardi 23 juillet 1918
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Léon Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
23 Juillet 18
Mon cher enfant,
Ton petit mot timbré du 20 nous fait comprendre que tu es bien à la peine, mais aussi à l’honneur par la satisfaction que tu fais sentir. Que c’est beau, en effet, cet élan qui fait reculer les Boches et va les forcer à reconnaître notre supériorité. Est-ce enfin le commencement de la victoire que nous attendons avec tant confiance ? Ton papa1 a tellement peur de l’emballement que je n’oserais dire cela tout haut ! mais je le pense et pour un peu je dirais que j’en suis sûre.
Il est revenu Dimanche ton pauvre papa, mais ayant laissé à Bordeaux une partie de lui-même et si maigri, si réduit que j’en suis fort ennuyée. Je vais demander une indemnité à Lucie2 pour les kilos qu’elle lui a coûtés et qui, certes, n’étaient pas en excédent ! Du moins il revient content, il a laissé les Degroote installés et Lucie ne paraît pas se trouver mal au Bourdieu. Mais que de peines il a eues, ton pauvre papa, que de démarches, et de marches par la chaleur !...
Les Colmet Daâge3 après bien des vicissitudes vont pouvoir partir ce soir pour Saint-Pair4 : ils y passeront 15 jours chez Mme Pierre CD5 et Made espère pouvoir aller passer de là quelques heures à Paramé. J’en serais bien contente pour ma pauvre Elise6 que je sens si triste. Elle conserve un vague espoir bien vague qui la met dans une incertitude et une angoisse vraiment usantes.
Max7 vient d’arriver en Suisse, et la pauvre Cécile ne parvient pas à avoir son passeport ! elle a demandé à ton papa d’aller voir au Ministère ce que cela devenait, il faudra encore quelques jours d’attente probablement.
Etant donné que je dois être auprès de Lucie vers le 12 Août8, nous faisons le projet d’aller le plus tôt possible passer quelques jours à Campagne. Nous partitions probablement après-demain Jeudi. Ecris-nous donc désormais à Campagne. Cela va encore nous éloigner de toi, mon pauvre petit ! Mais maintenant on en revient plus vite, les trains marchent mieux et, si tu avais besoin de nous, la distance serait vite franchie.
Ton papa se joint à moi pour t’embrasser tendrement.
Emy
Notes
2 Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote.
3 Guy Colmet Daâge, son épouse Madeleine Froissart (Made) et leurs fils.
4 Saint-Pair-sur-Mer près de Granville.
5 Armandine Calongne, veuve de Pierre Colmet Daâge.
6 Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart, sans nouvelles de son frère Maurice Vandame (disparu au front le 9 juin).
7 Maximilien Froissart, époux de Cécile Dambricourt.
8 Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote, doit accoucher à la mi-août.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer ce document
Document(s) à télécharger
Index
Compléments historiographiques
Cécile Dauphin
Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris