1877 |

1877-058

Marie Mertzdorff

Vendredi 29 juin 1877

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Vendredi 29 juin 1877

Vendredi 29 juin 1877

Paris le 29 Juin 1877.

Comme tu es bon, mon petit Père chéri, et que c’est donc commode de t’écrire tu es toujours content de tout. Quelle bonne lettre tu nous1 as encore écrite ce matin, que tu es donc gentil ! Je vois avec plaisir que ma lettre de Mardi ne t’a pas inquiété car je l’avais écrite très vite et ensuite en y songeant je me suis rappelé que je n’avais peut-être pas employé les mots convenables et j’avais peur que tu ne te tourmentes d’une chose pour laquelle il n’y avait aucun motif.

De projets toujours point de positivement arrêtés ; je doute qu’on fasse la moindre chose avant la fin de Juillet ; alors il est probable qu’on irait comme nous te l’avons déjà dit à Vieux-Thann puis à Arcachon car oncle et tante2 ont l’air d’y tenir absolument. Mais enfin on a encore le temps d’y réfléchir et il se pourrait bien encore que tout soit changé dans un mois. Du reste oncle tousse de moins en moins ; par contre en ce moment tante est assez fatiguée. Nous nous allons très bien.

Nous avons depuis quelques jours un temps charmant il fait beau et cependant pas de chaleurs excessives.

Hier nous avons eu une journée très remplie, c’était comme tu sais la distribution des prix et nous avions fort envie d’y assister malheureusement juste à cette heure-là devait avoir lieu le cours de beaux-arts3 et Emilie seule devait rester en bas à entendre tous les succès de ses amies. Nous partons d’ici à 1h1/2 bien vite pour ne pas arriver en retard au cours de 2h juge de notre surprise en apprenant que Mlle Des Essarts4 ne voulait pas que le cours ait lieu alors nous sommes restées toutes deux à la cérémonie nos amies ont reçu leurs médailles comme moi l’année dernière en récompense de leur examen ; quant à notre pauvre Marthe5 elle a eu une assez grande déception, elle a manqué le prix de deux cachets ! c’est un peu dur mais elle l’a très bien supporté. De là nous avons été au bain froid où nous avons retrouvé Jeanne Brongniart et je t’assure qu’Emilie et elle s’en sont donné elles ont passé tout leur temps à se jeter soit en courant soit du trapèze.

Ce matin nous avons eu Mlle Duponchel6 avec laquelle j’ai terminé un petit paysage au fusain ; depuis quelques semaines je ne fais plus que des paysages et cela m’amuse beaucoup seulement je ne vais pas très vite Mlle Duponchel voudrait que je les fasse en une heure ou deux et quelquefois ils durent 3 ou 4 heures si ce n’est plus.

Mme Foussé7 est toujours très souffrante et ne peut pas se lever de sorte que ses leçons se trouvent naturellement suspendues. Nous apprenons toujours la comédie moi je sais déjà tout mon rôle mais il n’est pas très long je suis une jeune window widow lady8 et je fais de la morale fréquemment et à tout le monde.

Nous avons reçu l’autre jour un petit mot de cousine Elise9 qui nous envoyait des images de la part de Bibi10. Il paraît que son père11 a été souffrant et ne quitte presque plus son lit.

J’espère que l’appartement ne se dépêche pas ! moi je croyais qu’ils12 seraient installés au commencement de Juillet peut-être les trouverons-nous encore chez toi ?

Adieu, mon bon petit père, je voudrais encore avant de sortir répondre à Marie des Cloizeaux qui m’a fait part du mariage de sa cousine et pour cela il faut que je me dépêche je t’embrasse bien bien fort si tu savais comme je t’aime et comme je pense à toi mon père chéri !
J’embrasse bien aussi bon-papa et bonne-maman13. Quant à ma tante14 puisqu’elle n’est pas à la maison je ne te charge de rien pour elle !

Notes

1  Lettre pour Emilie Mertzdorff et sa sœur Marie.

2  Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.

3  Cours des beaux-arts donné par Mlle Magdelaine.

4  Mlle des Essarts Boblet.

5  Marthe Pavet de Courteille.

6  Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.

7  Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé, professeur d’anglais.

8  Une jeune femme veuve.

9  Elisabeth Mertzdorff, dite Elise, épouse d’Eugène Bonnard.

10  « Bibi » : est-ce Pierre Bonnard (10 ans) ? la petite Andrée Bonnard (5 ans) est « Dédée ».

11  Frédéric Mertzdorff.

12  Le nouveau ménage : Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.

13  Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

14  Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Marie Mertzdorff, «Vendredi 29 juin 1877», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1877,mis à jour le : 20/03/2018

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris