1814 |

1814-05

André Marie Constant Duméril

Mercredi 30 mars 1814

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à ses parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens)

Mercredi 30 mars 1814

Mercredi 30 mars 1814

Mercredi 30 mars 1814

n°227

je vous ai écrit hier à la hâte, mes chers parents, pour vous donner de nos nouvelles mais j’ignore si ma lettre aura pu vous parvenir parce que vu l’heure du départ du courrier les ennemis s’étaient portés du côté de Saint Denis1. aujourd’hui ils paraissent se diriger vers les barrières du trône et Saint Martin. depuis cinq heures du matin nous entendons de vives canonnades et décharges de mousqueterie. nos troupes occupent les hauteurs de belleville - Pantin - Chaumont et Montmartre et c’est de là que l’artillerie se fait entendre. une de mes connaissances officier en uniforme a pu se porter en avant à cause de son uniforme et il a vu tomber des boulets dans le bassin de l’ourcq à la villette. la garde Nationale est sous les armes pour maintenir l’ordre et la tranquillité, il ne paraît pas qu’on veuille la faire sortir des murs. l’impératrice2 et le Roi de Rome ont quitté hier la ville à neuf heures du matin. les principaux fonctionnaires ont également quitté Paris. on dit l’empereur se portant sur le derrière de l’ennemi mais on ne l’assure pas. j’ai été faire mon service ce matin à l’hôpital. j’ai été arrêté sur la route par la garde bourgeoise parce qu’on me prenait pour un curieux. je suis rentré immédiatement après. Madame DelaRoche, sa sœur3, ma femme4 et une jeune demoiselle de Sceaux5 à laquelle nous avons offert un asile sont ici aussi tranquilles que nous pouvons le désirer. M. DelaRoche de Nantes6 se décide à rester avec nous jusqu’après l’événement. je vais sortir avec ma voiture pour aller voir deux ou trois malades pressés et me rendre à l’école de médecine où je suis convoqué extraordinairement. je passerai chez le général Dejean7 que j’ai vu hier et chez lequel on n’avait pas de nouvelles depuis le 25. peut-être en aura-t-on reçu hier soir car il paraît qu’on en a eu de l’empereur à la date du 28. nous avons des provisions de vivres pour 15 jours au moins. notre argenterie est en lieu de sûreté à ce que nous espérons, nous n’avons pas caché autre chose. on assure que Marseille a été pris ainsi que Lyon ce qui est certain.

Nous vous embrassons tendrement

le 30 à 11h.

C.D.

Annexes

A Monsieur

Monsieur Duméril père

Petit rue saint Rémy n°4 à Amiens

Somme

Notes

1 La campagne de France menée par les Alliés contre Napoléon se terminera par la capitulation de Paris (31 mars 1814).
2 Marie-Louise de Habsbourg-lorraine.
3 Elisabeth Castanet.
4 Alphonsine Delaroche.
5 Suzanne de Carondelet.
6 Michel Delaroche.
7 Jean François Aimé Dejean.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p. 117-119)


Pour citer ce document

André Marie Constant Duméril, «Mercredi 30 mars 1814», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1810-1819, 1814,mis à jour le : 28/09/2007

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris