1879 |

1879-044

Emilie Mertzdorff

Mercredi 23 avril 1879

Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un commentaire de Marie Mertzdorff

Mercredi 23 avril 1879

Mercredi 23 avril 1879

Mercredi 23 Avril 1879

Mon papa chéri,

Je suis en train de me métamorphoser, tu n’avais laissée chrysalide et tu vas me retrouver papillon. Non pas qu’il me pousse des ailes ni que je devienne belle et élégante, le changement n’est pas aussi saisissant. Tu te demandes alors ce qui m’arrive de si extraordinaire ; eh bien, c’est que je dessine, toute seule, sans qu’on me le dise, sans soupirer et en disant presque que cela m’amuse. Aussi Mlle Duponchel1 m’a-t-elle apporté hier des feuilles en plâtre que j’ai commencé à dessiner à ma leçon avec Marie2. Tu vois que c’est un grand événement ; il n’en arrive pas tous les jours de semblables. Marthe3 et moi nous sommes enchantées de cette nouveauté mais dès le début nous avons fait nos feuilles moitié trop petites ; il a déjà fallu que je recommence les miennes trois fois et l’esquisse n’est pas encore finie mais il ne faut pas se décourager si vite.

Ta grande lettre de Lundi nous a fait bien grand plaisir ; que tu es bon, mon petit père chéri, de nous écrire si longuement et de nous donner tant de détails sur tout ce que tu fais, c’est bien ce qui peut nous faire le plus de plaisir quand tu es loin de nous.

Le pied de Marie est absolument guéri et son corps !! a disparu (sois tranquille, papa, son gros corps y est toujours, il n’y a que le petit cor de disparu (une institutrice) M.M.) ; aussi n’est-il plus question de cette petite patte. Jeanne Brongniart va toujours mieux ; cependant elle ne se lève pas encore. Lundi j’ai passé plus d’une heure avec elle pendant que Marie était chez M. Flandrin4 ; elle était très gaie, causant beaucoup, fredonnant des petits airs à tout instant et s’intéressant à tout ce qui se passait autour d’elle.

Hier, Mardi, nous avons passé toute notre journée à la maison ; nous avons eu la visite de Mme Allain5 avec ses deux filles qui venaient nous apporter une quantité de charmants petits objets au crochet pour la loterie des sœurs d’Ivry.

Aujourd’hui Marie ira chez M. Flandrin par extraordinaire, tandis que je prendrai ma leçon de piano6 (la dernière avant la matinée !) et que j’irai voir Paulette7 ; tu vois que ma journée ne sera pas désagréable. Cette pauvre Paulette est toujours de même, c’est à dire qu’elle ne peut pas bouger, mais elle souffre un peu moins. Ses frères8, pendant leurs vacances de Pâques ont été en vélocipède à Saint-Gobain et ils ont eu la chance d’avoir beau temps pendant toute la durée de leur voyage ce qui est d’autant plus extraordinaire que nous avons eu de la pluie tout le temps.

Tous les soirs oncle9 nous demande si nous voulons aller voir la Flûte enchantée10, tu comprends que nous disons toujours oui mais toutes les fois où on l’a jouée, il y a eu un empêchement ; tu sais comment cela se passe, mais nous savons aussi comment cela finit, nous sommes très sûres de notre affaire et nous nous en réjouissons d’avance. Papa je crois décidément que nous sommes des enfants gâtées, et gâtées par tout le monde. Sur ce je t’embrasse en t’assurant bien que ce n’est pas un reproche que j’adresse aux personnes qui me gâtent, car je ne tiens pas du tout à ce qu’elles changent de  méthode. Ton enfant gâtée,
Emilie

Notes

1  Marie Louise Duponchel.

2  Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie ?

3  Marthe Pavet de Courteille.

4  Paul Flandrin.

5  Alice Lebreton épouse d’Émile Allain et mère d’Émilie et Henriette Louise Allain.

6  Leçon de piano avec Pauline Roger.

7  Paule Arnould.

8  Pierre et Edmond (fils) (et Louis ?) Arnould.

9  Alphonse Milne-Edwards.

10  La Flûte enchantée, opéra de Mozart (1791).


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Emilie Mertzdorff, «Mercredi 23 avril 1879», correspondancefamiliale [En ligne], 1879, 1870-1879, Correspondance familiale,mis à jour le : 08/11/2018

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

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