1880 |

1880-82

Marcel de Fréville

Lundi 11 octobre 1880

Lettre de Marcel de Fréville (Le Houssay dans l’Orne) à son beau-père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Lundi 11 octobre 1880

Lundi 11 octobre 1880

Le Houssay
Lundi 11 Octobre 80.

Mon cher père,

Nous avons reçu ce matin une bonne et longue lettre de Tante1 qui nous disait, entre autres choses, combien elle regrettait de vous laisser seul à Vieux-Thann ; Marie2 et moi nous faisions, il y a quelques jours, la même réflexion ; aussi, ne pouvant aller vous voir, je m’étais promis à 8 heures du matin de venir faire un bout de causette avec vous ; j’ai remis toute la journée, il est 8 heures du soir, et je viens de remonter après le dîner pour tenir ma promesse. J’ai au moins une excuse ; c’est l’admirable journée que nous avons eue aujourd’hui ; le beau soleil m’a fait reprendre le chemin du laboratoire que le mauvais temps de ces jours derniers m’avait fait oublier ; je n’y ai pas passé moins de 7 heures aujourd’hui, et le résultat de tout ceci, ce sont 5 bonnes clichés (je ne compte pas les mauvais). L’un d’eux représente vos deux enfants assis à côté l’un de l’autre ; quoique trop faible, j’espère qu’il pourra donner néanmoins quelque chose ; c’est mon oncle3 qui nous a tirés.
Mais je m’aperçois que je suis au peu trop plein de mon sujet et que si je continue, je ne vais plus parler que de nitrate d’argent et d’hyposulfite de soude.

Nous avons été tenus au courant de tous vos faits et gestes par de longues lettres de tante et d’Émilie4, et nous avons vu que les visites, voire même les dîners, y ont pris une place considérable ; notre petit avis, à nous deux Marie, c’est que cela ne vaut pas quelques bonnes heures passées au fond de la vallée du Chevreuil.

Ici, nous n’avons pas encore pu faire quelques charmantes promenades que j’avais promises à Marie ; les plus jolies passent par les vieux chemins, et si on s’y aventurait après les pluies des derniers jours, on risquerait d’y laisser plus que ses chaussures ; je ne désespère pas néanmoins, et en particulier de faire voir à Marie une assez jolie construction, de la fin du 17e siècle, qui se trouve près d’ici, et qui est bâtie au milieu d’un étang, dans un joli vallon. Nous avons encore 6 jours à passer ici ; car, - Marie vous l’a peut-être dit,- notre départ a été retardé, et nous ne serons à Paris qu’aujourd’hui en 8, ce qui nous réjouit fort. Nous avions eu une idée vague, que nous avons sagement abandonnée aussitôt que nous l’avons conçue, c’était d’aller passer une huitaine auprès de vous, si rien ne m’avait retenu à Paris à la fin de ce mois ; je n’ai pas besoin de vous dire que nous n’y avons pas songé longtemps. Mais non sans regret ; car nous aurions été heureux d’aller égayer votre solitude ; dans un siècle d’ici, quand on ira sans fatigue de Paris à Vieux-Thann en 2 heures, ce sera possible ; il n’y a qu’un malheur, c’est que dans cet heureux temps nous n’existerons plus que dans le souvenir des nôtres ; … et encore ?

Si je ne vous dis rien de la santé de Marie, c’est qu’elle se résume en ces quelques mots : elle est excellente. Dieu veuille toujours nous continuer ses bienfaits !

Je vous prie de bien vouloir être notre interprète autour de vous ; nous vous envoyons quantité de respects et d’amitiés pour Bon-papa, Bonne-maman5, Monsieur et Madame Léon Duméril6 et quant à vous, nous vous embrassons bien tendrement comme deux enfants qui vous aiment du fond du cœur
Marcel de Fréville

Notes

1  Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

2  Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville.

3  Louis Villermé.

4  Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.

5  Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

6  Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Marcel de Fréville, «Lundi 11 octobre 1880», correspondancefamiliale [En ligne], 1880, Correspondance familiale, 1880-1889,mis à jour le : 23/04/2019

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

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