1792 |

1792-07

André Marie Constant Duméril

Samedi 28 avril 1792

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)

N° 32

Rouen le 28 Avril 1792.

Papa,

J’ai reçu par Monsieur baron fils le paquet que vous avez bien voulu m’envoyer. Je suis bien reconnaissant des Sacrifices que vous faites pour moi. Quoique j’eusse besoin d’habit pour cet été, je ne vous en eus pas demandé, craignant de vous gêner. Je sens et j’apprécie tout ce que vous faites pour moi. Je vous en remercie bien. J’ai besoin de Souliers, les derniers que j’ai fait faire à Rouen m’ont coûté 6ll, c’est beaucoup plus cher qu’à Amiens, mais aussi, ils m’ont fait bien du service puisque je les ai portés 4 mois. J’ai demandé au cordonnier combien il me demandait pour en faire de pareils. Il veut me les faire payer 7ll. Si vous aimez mieux m’en acheter à Amiens, envoyez-les moi s’il vous plait par monsieur Cézille, et s’il tardait quinze jours, je serais même obligé d’en acheter, joint à cela la mesure de mon pied que votre cordonnier ignore.

Je ne grandis plus, mais je me forme et je grossis : tout ce que je mettais l’été passé m’est trop étroit et je suis obligé de faire rélargir. Le frère aîné de M. Thillaye1 est nommé tuteur, mais il est négligent ou plutôt de mauvaise volonté, et le Scellé n’est pas encore levé. Mme2 vous présente son respect.

Rien de nouveau ici. Rouen est le refuge de tous les aristocrates qui ont assez d’esprit pour ne pas se laisser prendre leurs biens, et l’on ne rencontre ici que des prêtres et de grosses dames de village avec leur demoiselle et le précepteur, mais malgré cela pas de ville plus tranquille3.

J’ai quelques graines et quelques griffes que je vous réserve et que je vous ferai passer lorsque j’aurai rassemblé tout ce que j’aurai pu.

Je vous embrasse ainsi que maman4 et toute la maison.

Je vous souhaite une bonne santé.

Votre fils Constant Duméril

P.S. Mme Thillaye ainsi que le tailleur pensent qu’il vaudrait mieux faire un habit et une culotte pareille, puisqu’il y a assez d’étoffe : qu’en dites-vous ?

Notes

1 Nicolas Noël Vincent Thillaye.
2 Mme Platel, veuve de Jacques François René Thillaye, mort en novembre 1791.
3 En novembre 1791 l’Assemblée législative a voté des décrets relatifs aux émigrés et aux prêtres réfractaires, décrets que le roi a refusé de sanctionner. L’agitation croît ; un nouveau ministère, girondin et belliqueux, est nommé. Et le 20 avril 1792 les députés de la Législative, sur proposition de Louis XVI, votent « la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême ».
4 Rosalie Duval, épouse Duméril.

Notice bibliographique

D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 91-92


Pour citer ce document

André Marie Constant Duméril, «Samedi 28 avril 1792», correspondancefamiliale [En ligne], 1792, 1790-1799, Correspondance familiale,mis à jour le : 20/08/2009

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

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