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1814-02

André Marie Constant Duméril

Dimanche 20 mars 1814

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son ami Pierre Fidèle Bretonneau (Chenonceaux)

Paris, ce 20 mars 1814

Guersant m’a communiqué, mon cher ami, la lettre que vous lui avez écrite, et j’ai pris beaucoup de part à vos projets. Je ne puis vous donner des conseils bien éclairés sur la détermination qu’on vous propose de prendre, parce que je ne connais pas bien les inconvénients de votre mode d’existence actuelle ; mais ce que je vois, ce sont de bien grands avantages du côté de la réputation et de la fortune. Abstraction faite de la qualité d’ami, qui n’a fait d’ailleurs que de mettre à portée de vous mieux apprécier, il me semble que vous vous remettrez à votre place et que vous pourrez jouir de toute la considération personnelle que vous méritez. Je ne me dissimule pas non plus les désagréments que les premiers temps de votre séjour à la ville pourront vous occasionner et qu’on ne manquera pas de vous faire éprouver ; mais vos connaissances solides, l’aménité de votre caractère et fort heureusement surtout l’indépendance que votre état de fortune vous donnera dans les premiers temps vous acquerront bientôt des amis, et vous ferez honorer la médecine dans un pays où, il faut le dire, vos matadors n’étaient guère honorables. Quant aux petits services que vous pourriez attendre de moi en cette circonstance, vous pouvez me féliciter d’avance du plaisir que vous me procurerez en me donnant le moyen de vous être agréable. J’espère vous épargner tout ce qui sera possible à cet égard. Je serai de toutes les épreuves que la forme exigera de vous, et je m’arrangerai de manière que mes amis et mes seuls amis en soient. Ce que je crains, c’est le temps qu’il vous faudra consacrer à ces examens, car je ne vois pas pour vous beaucoup d’avantage à vous y soustraire ; nous l’essayerons cependant, si vous le croyez nécessaire, mais il faut faire une bonne thèse et y travailler d’avance à tête reposée. Il est probablement quelque sujet sur lequel vous aurez médité et qui, développé avec toute la sagacité que vous mettez à vos réflexions, pourra offrir beaucoup d’intérêt.

Je vous le répète, je ne vous donne pas de conseils ; mais je pense que, pour l’honneur de la médecine et de l’humanité, vous exercez sur un trop petit théâtre, et que vous avez trop de facilité pour vous livrer à la douceur du farniente par les ressources que vous avez su vous créer et qui vous étaient nécessaires.

J’ai su par Hippolyte1, qui m’a écrit de chez vous, et par Gautier que vous étiez très bien. Si j’avais pu penser qu’ils auraient le plaisir de vous voir, je vous aurais écrit par eux, mais ils auront pu vous donner des nouvelles de toute ma famille et vous parler de tout mon chagrin2.

Veuillez présenter mes civilité amicales à Mme Bretonneau et croire à ma bien sincère amitié.

Votre tout dévoué.

Notes

1 Hippolyte Cloquet.
2 Allusion probable à la mort le 23 décembre 1813 d’Etienne François Delaroche, beau-frère d’André Marie Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après Triaire, Paul, Bretonneau et ses correspondants, Paris, Félix Alcan, 1892, volume I, p. 217-219. Cet ouvrage est numérisé par la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (Paris)


Pour citer ce document

André Marie Constant Duméril, «Dimanche 20 mars 1814», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1810-1819, 1814,mis à jour le : 28/09/2007

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
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