1842 |

1842-22

Auguste Duméril

Lundi 22 août 1842

Lettre d’Auguste Duméril (Arras) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris)

Lundi 22 août 1842

Lundi 22 août 1842

Lundi 22 août 1842

Lundi 22 août 1842

Lundi 22 août 1842

d’André Auguste Duméril.

Arras lundi 22 Août 1842.

Ne pouvant pas, ma chère et bonne maman, trouver demain le temps de t’écrire, je viens me donner le plaisir d’un peu de causerie et t’adresser tous mes remerciements pour ta bonne lettre de samedi qui, comme je l’avais craint, a manqué le courrier. Comme tu le penses bien, ce n’est pas sans émotion que je vois arriver la journée de demain, pendant laquelle le bonheur de me trouver à Lille sera peut-être troublé par ma tante1. Adine2 espère, et moi, un peu aussi, que les choses ne tourneront pas mal ; mais il faut si peu de choses pour exaspérer ma tante, que, alors même que les deux premiers jours se seraient bien passés, on peut craindre, qu’il n’y ait quelque scène le troisième. Je suis bien aise que ton dîner de jeudi ait bien réussi, et je regrette en effet que les circonstances n’aient pas permis que M. Flourens pût être invité. Je t’avoue franchement qu’hier, je n’ai pas un seul instant songé à votre partie de Sceaux, et je me suis représenté la réunion du soir, en petit comité, avec les Bibron. J’espère que Mme Bibron a tout à fait cessé de souffrir des entrailles : je lui présente mes compliments empressés et j’envoie mes bonnes amitiés à Bibron. Je suis bien content d’apprendre que Suzette3 ait pu suivre son projet de départ de jeudi. Je ne doute pas que la journée d’hier, chez les Baleste, ne se soit fort bien passée. Le temps était réellement un peu moins chaud et j’aime à croire que tu n’auras pas éprouvé trop de fatigue de tes quatre lieues en voiture. Je suppose que Constant4 a engagé Félicité à s’occuper d’arrêter des places. Ce sera à elle à décider si on s’arrêtera à Arras. Adine ne venant décidément pas à Lille, il serait peut-être bien difficile de faire autrement ; Félicité d’ailleurs aura je pense du plaisir à passer ces quelques heures sous le toit fraternel. Adine m’a encore répété aujourd’hui qu’elle ferait pour moi, si cela était nécessaire, le sacrifice de cette journée.

Je suis seul aujourd’hui avec Adine, nous mènerons promener Clotilde dans la journée.

Nous avons beaucoup causé pendant le déjeuner de ce qui m’occupe tant, et je vois qu’elle connaît déjà bien sa belle-mère, pour laquelle elle a cependant un fond réel d’affection.

Nous avons été hier, Auguste5 et moi, pour voir M. Bourgeois6 que nous n’avons point rencontré ; nous avons été aussi chez M. et Mme Hallette, qui m’ont très bien reçu. J’ai vu dans ses ateliers une chose assez curieuse : c’est une fonte d’une pièce considérable. Ces ruisseaux de feu, qui s’échappent des chaudières, pour couler dans des moules, les ouvriers, éclairés par ce feu liquide, l’activité qu’ils déploient pour ne négliger aucune des précautions à prendre en semblable circonstances : tout cela forme un tableau très curieux, bien plus frappant encore, dit-on, quand la fonte a lieu pendant la nuit, à cause de l’éclairage en quelque sorte infernal, que répand le liquide bouillant, sur tous les objets environnants, et sur les hommes. Nous avons vu là une espèce de maison de fer : c’est le châssis d’une machine à vapeur, destinée à l’un des bateaux qui doivent faire le trajet d’Europe en Amérique. Elle pèsera environ onze cent mille livres : te représentes-tu l’immensité et la force d’un navire, destiné à supporter un semblable poids, sans compter le reste du chargement ? Nous avons vu à Douai, samedi, une fonderie de canons : on ne fondait point, mais nous avons vu, à part cela, tout le travail nécessaire à la confection de ces machines de guerre, qui coûtent à peu près 7 à 8 (détruit) la pièce. Le musée de Douai est également intéressant à visiter. Cette journée du samedi a été fort agréable.

Je ne sais comment mon oncle prendra notre descente à l’hôtel : peut-être désirera-t-il que nous venions prendre gîte chez lui. Je ne veux pas trop penser à l’avance, aux désagréments qui peuvent accompagner cette excursion à Lille : je cherche à n’en voir que le bon côté, dont j’aurai si peu de temps à jouir.

On fera partir aujourd’hui, par la diligence, un petit approvisionnement de pains d’épice, dont il pourrait y avoir un peu, pour Félicité. Le port n’est pas payé.

Papa7 approche de la fin de ses fatigues d’examen à l’école de Pharmacie et à la Faculté ; il a, je pense, toujours l’intention de faire à Fontainebleau la petite escapade projetée, et qui lui fera certainement du bien. Je plains Constant, d’être tombé dans l’hébétement : quatre jours encore, et il redeviendra lui-même.

Adieu, ma très chère et bonne maman, je compte bien me donner le plaisir de parler de vous avec Eugénie8. J’embrasse de tout cœur Papa et Constant. J’en fait autant pour toi, et te renouvelle l’expression de cette affection filiale que ta tendresse pour nous rend toujours plus vive.

Tout à toi

Aug. Duméril

Adine, très reconnaissante de ton souvenir, me charge de beaucoup de choses affectueuses pour vous. Si Auguste était là, il se joindrait à elle, sans contredit. Je tâcherai bien d’écrire Mercredi, mais je ne sais si je pourrai.

Notes

1 Alexandrine Cumont, épouse d’Auguste Duméril l’aîné.
2 Alexandrine Brémontier, dite Adine, épouse de Charles Auguste Duméril, mère de la petite Clotilde.
3 Suzanne de Carondelet, épouse d’Antoine de Tarlé.
4 Louis Daniel Constant Duméril (à Paris) et son épouse Félicité (à Lille chez ses parents).
5 Charles Auguste Duméril.
6 Hippolyte Bourgeois a épousé en 1823 Octavie Duval (1808-1884).
7 André Marie Constant Duméril.
8 Eugénie Duméril, cousine et fiancée d’Auguste.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, « Lettres relatives à notre mariage », p. 175-179


Pour citer ce document

Auguste Duméril, «Lundi 22 août 1842», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1840-1849, 1842,mis à jour le : 22/06/2010

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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