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1858-24
André Marie Constant DumérilLundi 16 août 1858
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son fils Auguste Duméril (Trouville)
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Repondu le 171
Paris 16 août 1858
Me voilà rendu au nid où j'étais arrivé hier à six heures grâce à Constant2 que j'ai trouvé à la gare muni d'un billet de voiture de place. Le transport s'est opéré merveilleusement : en m'embarquant à Trouville j'avais été frappé du verbiage incessant d'un certain Monsieur qui se trouvait là avec un énorme portefeuille garni de beaucoup de papiers et je le pris pour un dessinateur qui était venu à trouville3 pour y exercer son talent. Cependant il ne parlait à la Dame placée vis-à-vis avec son fils très jeune que de principes de morale en donnant toutes sortes de définitions prétentieuses des facultés morales. je plaignais cette pauvre Dame d'être obligée d'écouter ce terrible bavard. heureusement à Pont-l’évêque il prit une autre voiture ; mais voilà qu'arrivés à Lisieux ce Monsieur, qui avait appris mon nom je ne sais par qui, vient ouvrir la portière du wagon et me dit qu'il m'avait vu chez Madame de Tarlé4 et vite il courut chercher son portefeuille je saisis ce moment pour annoncer aux deux messieurs qui étaient les seuls avec moi que je les plaignais mais qu'à en juger par ce que je savais nous aurions beaucoup à écouter car dans la première voiture où nous étions trouvé il n'avait pas cessé de parler.
En effet je n'ai jamais eu occasion de rencontrer un pareil prétendu observateur de l'homme c'est un cranioscope et un magnétiseur. il n'adopte pas les localisations des facultés à la manière de gall5, il a d'autres prétentions de Céphalométrie il juge les hommes au premier aspect. il a une théorie sans aucune espèce de connaissances de la structure de la tête chez les autres animaux. Toutes ses idées sont métaphysiques, il ne manque pas d'esprit. il est enthousiaste des idées de M. Serres6 qui sont d'accord avec les siennes. il a voulu me faire voir tous les dessins que contenait son portefeuille et il m'a remis un grand tableau imprimé in-folio de toute sa théorie et indiqué les articles des journaux qu'il a recueillis sur ses idées et les objections auxquelles il a répondu. j'ai appris qu'il se nomme D'harembert7. qu'il est receveur des Domaines à Verneuil8, où il s'est en effet arrêté à notre grande satisfaction. M. de Tarlé qui a connu son père à Alençon et dont Auguste9 en effet nous a parlé est, dit-il, la cause de l'emploi qu'il occupe et qu'il désirait pour ne pas être éloigné de sa famille.
En voilà bien long sur ce personnage fatigant, mais j'avais commencé j'ai voulu finir. l'un des voyageurs était un M.<Moulin> envoyé par le ministre de l'intérieur10 à Cherbourg pour obtenir par la photographie11 les principales scènes de la présence de l'Empereur avec la Reine Victoria et les visites dans les différentes localités de ce port12. il s'était trouvé à Alger avec M. Cordier13. L'autre auditeur était heureusement très sourd.
j'ai trouvé tout notre monde très bien. Mlle Romane a dîné avec nous. je me suis acquitté de ta commission près d'elle.
par une lettre de Caroline14 que sa mère vient de me communiquer, Elle insiste pour que Félicité vienne avec moi en Alsace pour les premiers jours de septembre. le mariage de sa belle-sœur15 devant avoir lieu le sept. mais Félicité remet ce voyage en Alsace au mois d'octobre car elle désire être à Paris au moment où Léon16 se présentera pour être admis comme externe à l'Ecole Centrale des arts et métiers. C'est leur ambition, Constant y met beaucoup d'intérêt persuadé que ces études lui ouvriront une heureuse carrière avec la protection de son beau-frère17.
on m'a beaucoup questionné hier sur votre santé à tous et j'ai pu en donner de bons témoignages en donnant sur chacun des détails qui ont été satisfaisants.
je verrai tout à l'heure à l'Institut les Professeurs de la faculté des sciences pour les remercier comme tu me l'as recommandé.
je ne suis pas appelé aujourd'hui ni demain à l'école ; mais tous les autres jours de la semaine.
on ne m'a donné des nouvelles de Soubeiran18 mais je vais y passer en allant à l'institut. En passant hier sous ses fenêtres j'ai vu les bonnes au Balcon c'est bon signe je présume.
adieu, Mon cher ami, reçois ainsi qu'Eugénie et Adèle19, les amitiés de ton père et les bons souvenirs que me laissent les quatre journées que j'ai passées avec vous. Ma sœur20 vient me dire de ne pas l'oublier près de vous
adieu
C.Duméril
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
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