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1798-02
André Marie Constant DumérilMercredi 21 février 1798, 3 ventôse an VI
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
n°106
Paris le 3 Ventôse an VI
Maman, M. De joinville m'a fait remettre votre lettre le lendemain de son arrivée et m'est venu voir le surlendemain. Ainsi pour cette commission il a été extrêmement exact. Malheureusement son exactitude en cette circonstance n'était pas aussi nécessaire puisque vos dépêches ne contenaient rien de bien pressé.
Les traitements ne sont pas mieux payés ici qu'à Amiens, peut-être tout viendra-t-il à la fois. Que ne peut-on vivre d'espérance ! j'attendrai les chemises : je n'en suis pas très pressé mais je crois qu'il faudra mieux m'en envoyer la toile, car je les ferai faire en amadis1. On aurait besoin pour cela de ma mesure et surtout pour la largeur des cols qui baillent dans toutes celles que j'ai.
Si je vous renvoyais dans ma précédente aux lettres de Reine et de Désarbret2, c'est que je ne voulais pas me répéter. Vous faites bien peu d'honneur à mon jugement quand vous me croyez capable d'abandonner la Médecine. Si j'eusse été à Rouen, ce à quoi je n'étais pas encore bien décidé, je n'aurais pas pour cela abandonné l'étude de l'art de guérir. C'est mon gagne-pain et j'espérais bien continuer de m'y livrer.
Il est vrai que je ne mange plus avec Auguste3, je continue de vivre où je vivais. L'arrivée de Brasseur aurait changé notre économie : je n'ai point été fâché, entre nous, qu'il l'ait fait manger ailleurs. D'abord c'était chez Duméril4 ; maintenant c'est chez Montfleury. Il est impossible que je me joigne à eux. Mes heures d'occupation sont celles de leur dîner. Je suis plus libre et dépense moins.
Les destitutions continuent dans les départements. Laffilé fils a éprouvé ce sort à Valenciennes, il est ici, je l'ai vu hier, il est décidé à y rester jusqu'après les élections et à ne faire aucune démarche.
On augure très bien du changement qui vient de s'opérer dans le Ministère de la Police. Le citoyen Dondeau qui remplace Sotin n'est pas en odeur de sainteté parmi les jacobins, mais il a l'estime des honnêtes gens5.
Les jacobins levaient le front et tenaient leurs clubs. Le Bureau central en avait averti le Directoire ; les lettres étaient interceptées chez le Ministre. Voilà assure-t-on la cause de la destitution.
Je continue d'aller chez Charles Dumont. J'y ai mangé cinq ou six fois depuis son mariage. Sa femme serait enceinte6. Il se plaint que papa7 ne réponde à aucune des deux lettres qu'il lui a adressées pour lui faire part de son mariage.
Je suis bien fâché de n'avoir pas aujourd’hui assez de temps pour écrire à mes tantes. Je profiterai de la première occasion. Je remercie Geneviève de son bon souvenir et j'y suis bien sensible.
Je vous embrasse bien tendrement ainsi que papa. Je sais que mes lettres vous sont communes.
Votre fils C. Duméril
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 47-49)
Pour citer ce document
Index
Compléments historiographiques
Cécile Dauphin
Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris