1863 |

Eugénie Desnoyers

Dimanche 20 septembre 1863

Lettre d’Eugénie Desnoyers (Ancy-le-Franc) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

Dimanche 20 septembre 1863

Dimanche 20 septembre 1863

Ancy le Franc

Dimanche <20>

Ma chère petite Gla,

Je ne veux pas me laisser traiter de nouveau par toi de paresseuse. Un bout de causerie ce matin, demain encore une lettre (à cause du beurre) ce serait trop de biens dont je ne jouirais pas complètement si je ne savais pas que ton courrier te portera aussi quelques griffonnages de ma façon.

Quel affreux malheur que la mort de la fille de M. Dewulf1 ; j’y pense sans cesse, pauvres gens, quelle doit être leur douleur.

Il fait un vent à écorner les bœufs. Les nuages semblent annoncer de l’eau. Ça ne nous va pas, car nous pensions demain faire la petite course de Montbard dont je te parle toujours et que nous n’avons pas encore faite. Nous ne serions que 12 h absents et nous verrions 2 châteaux, une abbaye convertie en papeterie2, le champ d’Alise Ste Reine3, enfin tant de choses que nous ne pouvons arriver à une combinaison définitive.

Ce matin avant 8 h nous étions sur la route d’Ancy, après la messe nous avons vu une petite chapelle renaissance qui se trouve dans le cimetière et puis nous sommes revenus par le potager du château où nous avons acheté un melon et du raisin. C’est là que nous nous fournissons de fruits. Le jardin d’Alfred4 en a beaucoup mais rien de mûr. Je me suis c’est à dire que j’ai essuyé la poussière que j’avais ramassée, j’ai fait un bouquet, nous avons déjeuné, puis nous sommes restés dans le jardin où le soleil nous a tous abasourdis.ée>

Maintenant nous nous reposons, nous lisottons, Julien5 avait cueilli une fleur pour dessiner, il l’avait bien placée, puis il est parti avec Alfred à l’usine, à son retour, il la trouve fermée ; c’est une belle de jour. le voilà au jardin qui va chercher quelque chose de plus poli.

Je n’ai rien fait de digne de toi, je prends des croquis à ma façon là où je me trouve, hier un saule déraciné sur les bords de l’Armançon, souvent c’est fort drolatique, on te montrera ça en famille, car à toi toute seule tu constitues notre public, comme dit Julien.

Maman6 vient d’écrire à Mme Constant7 à Paris, puis il nous revient un doute, dis-tu qu’elle soit au Jardin ou qu’on lui a envoyé une dépêche ? enfin la lettre est écrite, maman l’envoie toujours.

Adieu, Ma chérie, je t’embrasse bien tendrement.

Je n’ai rien d’intéressant à te dire, nous ne voyons personne ici et des nouvelles, aucunes. Je ne sais ce qui m’est réservé8 à la grâce de Dieu…

Ecris-moi. Nous t’envoyons tous mille tendres amitiés.

Je te quitte pour lire à Julien qui dessine.

Papa9 ne comprend pas comment ce papier a passé par les mains du Directeur du Muséum10, il vient de répondre directement à M. Lahure11.

Notes

[1] Claudine Marie Françoise Louise Dewulf, fille aînée de Louis Joseph Auguste Dewulf et Claudine Marie Félicité Justine Pontonnier, épouse de Charles Chappoteau.

[2] L’abbaye de Fontenay, du XIIe siècle, vendue comme bien national en 1790, est transformée par son propriétaire, Elie de Montgolfier, en papeterie.

[3] Alise Ste Reine, site de la bataille d’Alésia où Jules César affrontala coalition gauloise menée par Vercingétorix en 52 avant J.-C.

[4] Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.

[5] Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.

[6] Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.

[7] Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.

[8] Eugénie fait sans doute allusion à son mariage qui se prépare avec Charles Mertzdorff, veuf de Caroline Duméril.

[9] Jules Desnoyers.

[10] Eugène Chevreul.

[11] Probablement l’imprimeur Charles Lahure (1809-1887).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

Eugénie Desnoyers, «Dimanche 20 septembre 1863», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1860-1869, 1863,mis à jour le : 16/12/2014

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
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