1870 |

1870-087

Louis Daniel Constant Duméril

Mercredi 24 août 1870 (A)

Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à son gendre Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Mercredi 24 août 1870 (A)

Mercredi 24 août 1870 (A)

Morschwiller 24 Août 1870

Merci, mon cher Charles de votre petite lettre reçue hier. Je voulais justement aller passer cette journée-là avec vous & je m'étais mis en route mais quand je suis arrivé à Lutterbach le train venait de passer : il avait repris sa marche règlementaire, le train de Paris n'étant pas attendu & le courrier devant maintenant nous venir par Dijon parce que nous avons coupé le chemin de fer entre Chalindrey & Chaumont pour que les Prussiens ne puissent pas s'en servir. J'avais quelque envie de continuer la route à pied, mais il tombait une petite pluie fine qui n'était pas engageante & je suis rentré piteusement à la maison comme j'en étais parti.

Je voulais vous dire que nous avons traité avec un remplaçant pour Léon1 : c'est un ancien zouave qui doit être un fameux soldat : il est veuf & n'a qu'une petite fille : il est ouvrier chaudronnier chez Ducommun2 ; il a l'air d'un bien honnête homme ; point vantard : il dit qu'il craint que l'ouvrage vienne à manquer & de tomber dans la misère qu'en se faisant remplaçant il assure une petite fortune à son enfant & que s'il part il espère bien en revenir. Nous avons fixé la somme à quatre mille francs dont 500 francs payables après son acceptation par le conseil de révision & le reste quand il devra partir : s'il ne part pas il n'aura que les 500 francs qui lui seront toujours acquis.

Merci des détails que vous nous donnez : la bonne-maman3 ne prend pas bien son parti de la chute que sa petite Mimi4 a faite dans l'escalier elle pense au mal qu'elle aurait pu se faire, tandis qu'elle n'est que légèrement contusionnée. Nous sommes bien contents de savoir Julien5 à Paris ou du moins au camp de St Maur : on aura bien joui de ses 48 heures de permission.

Nous commençons aussi à bien réduire notre travail, d'abord en supprimant les veillées, puis en laissant tantôt les uns, tantôt les autres à la maisons. Nous avons arrêté l'ancien calorifère pour le réorganiser il allait par trop mal : nous rapprochons les deux rangées de tourniquets, nous remettons d'équerre toute la charpente en fer & nous remplaçons la plupart des tourniquets.

Welter6 nous a envoyé hier les deux machines à humecter auxquelles nous ne songions guère : je vous en enverrai une par la première voiture qui ira à Vieux-Thann. Il n'a pas envoyé la facture avec, mais elle ne tardera sans doute pas à paraître.

J'ai expliqué au père Buisson comme quoi vous ne pouviez pas vous charger de son argent & lui ai parlé de l'emprunt : ça n'a pas l'air de le tenter beaucoup ; il a dû en causer avec sa femme, je ne sais pas ce qu'ils auront décidé.

Je ne vous parle pas de la guerre c'est trop triste, mais ici et à Mulhouse on ne doute pas que les Prussiens ne soient exterminés & chassés de France : seulement cela coûtera terriblement cher en hommes en argent & en valeurs détruites : que les hommes sont insensés !

Recevez mon cher Charles l'expression de notre tendre amitié.

Constant Duméril

Nous vous plaignons bien dans votre solitude.

Notes

1  Léon Duméril.

2  Ducommun, construction mécanique à Mulhouse.

3  Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.

4  Marie Mertzdorff.

5  Julien Desnoyers.

6  Emile Welter, constructeur à Mulhouse, inventeur d’une machine à humecter les tissus.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Louis Daniel Constant Duméril, «Mercredi 24 août 1870 (A)», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1870,mis à jour le : 23/02/2017

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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