1812 |

1812-12

Alphonsine Delaroche (épouse Duméril)

Mercredi 23 septembre 1812

Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Amiens)

Mercredi 23 septembre 1812

Mercredi 23 septembre 1812

Mercredi 23 septembre 1812

Mercredi 23 septembre 1812

Mercredi 23 septembre 1812

Mercredi 23 septembre 1812

N° 215 F

Paris 23 Septembre 1812

Mon bon et tendre ami, je t’écris de la rue favart1, ainsi cela doit te faire voir que je ne suis pas fort malade, et fortifier la plus de tranquillité qu’a due te donner ma lettre d’avant-hier ; sois bien sûr que je ne te cache rien sur mon état et que les choses sont bien telles que je te les ai dites. J’ai vu avec peine par la bonne lettre que j’ai reçue de toi avant hier, et à laquelle tu as ajouté quelques lignes étant au Jury, que ma lettre du 20 t’a donné de l’inquiétude, et je me suis bien félicitée de t’avoir écrit le lendemain. Cette journée du lendemain se passa bien ; j’eus le matin une petite visite de Mme deFrance2 qui me demanda beaucoup de tes nouvelles, plus tard celle de Papa et celle de M. Deneux qui se trouvèrent ensemble à la maison et me trouvèrent assez bien pour décider que je pourrai me transporter ici le lendemain, mais il fut décidé aussi, que si l’on pouvait se procurer une voiture en dormeuse, ce serait la manière la plus convenable de me faire voyager ; Papa eut donc la bonté de s’en occuper de suite. Il fut d’abord chez Mme de prunelé, qui a une de ces dormeuses, pour lui demander si elle pourrait avoir la bonté de nous la prêter pour quelques heures, ce qu’elle promit avec tout l’empressement possible, elle ne pouvait prêter ni cocher ni chevaux, mais c’était la moindre affaire et Papa dans la soirée s’assura les deux choses chez un loueur de carrosse. Pour en revenir à ma journée d’avant-hier, je me levai après dîner, après avoir fait ce repas en tête-à-tête avec mon petit compagnon3 qui fut des plus sage ; je me tins peu sur mes pieds, cependant je ne pus m’empêcher d’y être quelques petits moments. Je lus assez ce jour-là, le soir je fis quelques rangements de lettres et de papiers. Mes reins vinrent à me faire assez de mal et je ne me couchais pas très bien disposée. Il parait qu’il me prit à ce moment un petit mouvement de fièvre qui me donna un sommeil coupé et un peu d’agitation, qui fut augmentée par la crainte que ce retour de mal aux reins, n’empêchât mon transport ici. Hier maman eut la bonté d’arriver dès neuf heures du matin, m’annonçant la voiture pour midi, et comme j’étais mieux prit sur elle de décider que je pourrais partir, et quand elle eut déjeuné, aidée de Mlle Jenny (que j’avais eue tous ces jours) et qui mit beaucoup d’activité et d’adresse à ce qu’elle eut à faire, et aidée aussi de la bonne, tous les paquets furent promptement faits et une foule de choses mises en ordre et à leur place, tandis que moi j’étais dans mon lit, qui expliquais, mais ne pouvais agir comme je l’aurais voulu. Je me levais au dernier moment ; Quand nous fûmes tous prêts je descendis, et me plaçai dans cette bonne voiture où je trouvais un lit presque aussi commode que le mien et où je m’étendis tout à fait, on n’alla pas vite, et le trajet se fit le plus heureusement du monde, sans que j’aie senti de secousse, et sans reprendre le mal aux reins, Maman et le petit y étaient avec moi, le cabriolet vint plus tard avec la bonne et le reste des paquets. Je m’étendis en arrivant, mais je dînai à table, et me tins assise une partie de la soirée. La-dessus j’ai passé une bonne nuit, sans interruption dans mon sommeil ; je me suis réveillée bien reposée et bien heureuse de me voir entourée de mes Parents et à portée de leurs soins que je n’aurais acceptés qu’avec scrupule tant que j’aurais été chez moi, puisqu’ils seraient devenus bien fatigants pour eux et dont cependant je n’aurais pu me passer que par moments, puisque mon ventre est placé de telle manière et est devenu si lourd, que je ne peux pas rester de suite sur mes pieds pendant plus d’un quart d’heure, sans que pour cela cependant j’aie éprouvé plus d’ un seul moment de douleurs vives. Je t’écris toujours de mon lit, et tes lettres sont et seront ma plus douce distraction. Je te remercie des détails que tu me donnes sur ta vie, et je suis bien contente que tu aies pris le gilet de flanelle puisque tu t’en trouves si bien. Je suis fâchée de savoir que tu aies souffert pendant plusieurs jours du mal à la tête. J’ai appris avec bien du plaisir que ton frère Auguste4 ait accepté d’être parrain de notre futur enfant, je ne pouvais pas lui souhaiter un meilleur protecteur, j’aurais bien voulu aussi que tu pusses lui témoigner cela de ma part, mais il sera parti quand tu recevras cette lettre. j’ai payé hier ton billet pour M. Bally quant à la Dame Née je n’ai pas eu de réponse, mais je pense qu’elle se sera occupée de la chose, c’est ce que j’enverrai savoir. Je j’ai adressé hier trois lettres pour toi à M. Descot. M. Deneux sort d’ici, et parait me trouver fort bien, il pense que dans quelques jours une ceinture élastique pourra m’être fort utile ; il faudra pour cela s’adresser à M. Lacroix. Il dit que par ce moyen je pourrai probablement prendre de l’exercice, mais qu’il faut avant que les reins soient très bien remis.

J’attends aujourd’hui la visite des Dames Torras5, que je n’ai point encore vues depuis ton départ.

Adieu bien bon ami, je te donne de tendres baisers pour ceux que tu m’as envoyés.

Mes excellents Parents me chargent de te dire mille choses des plus affectueuses.

A. D.

Annexes

A Monsieur

Monsieur C. Duméril

Petite rue St Remy N° 4

à Amiens

Notes

1 Pendant la tournée des jurys de médecine qu’effectue son mari, Alphonsine s’est installée rue Favart, chez ses parents Marie Castanet et Daniel Delaroche. Voir les adresses de la famille Duméril.
2 Basilice Leguay, épouse de Louis Defrance.
3 Son fils Louis Daniel Constant Duméril.
4 Auguste Duméril (l’aîné).
5 Anne Gardelle, épouse de Pierre Torras et sa fille Anne Jeanne Louise.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 92-96)


Pour citer ce document

Alphonsine Delaroche (épouse Duméril), «Mercredi 23 septembre 1812», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1810-1819, 1812,mis à jour le : 11/05/2010

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris