1918 |

1918-069

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart)

Jeudi 30 et vendredi 31 mai 1918

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Léon Damas Froissart (Launay) à son fils Louis Froissart (mobilisé)

Jeudi 30 et vendredi 31 mai 1918

Jeudi 30 et vendredi 31 mai 1918

Launay, 30 Mai 18

Mon cher Louis,

C’est de Launay que je t’écris ce soir. Nous y sommes arrivés ce matin, mais ton papa1 n’a fait que passer et s’est rendu tout de suite au Mans pour chercher le gîte rêvé, tandis que je m’instruisais sur les ressources de Nogent. Je pars pour le Mans demain matin avec Lucie2 qui va y assister à l’enterrement de la mère d’Elisa3 évacuée d’Hazebrouck morte à l’hôpital du Mans. De là nous irons à Rennes et peut-être encore ailleurs.

Tu ne sais pas que Michel4 a rencontré hier ton régiment. Il était lui-même à la recherche du sien délogé par les Boches probablement et, n’ayant pu arriver jusqu’à lui, il est revenu à Paris. Nous étions tout surpris de le voir arriver hier soir pour se coucher. Il a dû repartir ce matin pour Vaires-Torcy d’où on l’aura acheminé avec une quinzaine d’autres officiers errants dont son commandant revenu trop vite, de la CID !

Vendredi matin. Je continue ma lettre au Mans où nous ne trouvons pas d’indications intéressantes. Nous déjeunerons avec Lucie chez « Auguste et Valérie » qui sont réfugiés ici. Loulou5 partie de Nice Mercredi à 11h du matin est arrivée hier soir à Launay avec sa petite bande grossie de Poupette6. Cécile7 doit être aussi dirigée le plus tôt possible sur Launay avec la [femme de chambre] Aujourd’hui ou demain car Marthe8 craint, à juste titre, qu’il ne se produise une nouvelle panique qui rendrait le voyage impossible pour elle.

Je ne sais si Michel a eu le temps de t’écrire depuis son heureuse journée de Mardi qui a vu ton papa accueillir si affectueusement sa Mady9 et Mme P10. Nous les avons eues à déjeuner ; Michel a donné sa bague, les fiançailles sont faites et vont être connues sans délai. Le matin nous avions eu à Saint-Hippolyte la messe de M. l’Abbé11 pour M. Peignot12, qui a été en même temps la messe de fiançailles. Déjeuner où nous espérions avoir les CD13 et où l’on a débouché une nouvelle bouteille de champagne. Ton papa a trouvé quelques mots charmants pour les fiancés et les absents et toute la glace a été rompue. Étant donné qu’il ne m’a fait aucune réflexion sur Mady, je pense qu’il l’a trouvée bien. Elle a encore dîné, (mais sans sa mère qui était retournée à Boissette) avec M. l’Abbé et les Co14.

Alors maintenant, nous n’avons plus qu’à commencer à constituer le carnet d’échantillons.

J’ai trouvé les petits Degroote15 en excellent état. J’espère que le séjour de Poupette sera bon pour le développement et la civilisation d’AM16 qui ne se trouve jamais qu’avec des enfants bien plus jeunes qu’elle.

Comment vas-tu ? Je suis ennuyée de te voir de nouveau engagé dans la vie rude sans que tu sois tout à fait remis.

J’espère que la neurosine17 fera tout de même son effet. Sinon fais attention et arrête-toi avant d’arriver à l’extrême fatigue ! Ton pauvre Thibaut18 que Michel et Mady sont allés lundi voir à Rueil où il vient d’arriver ont été navrés de le voit en si triste état, horriblement déprimé et débilité. Michel en est revenu très ennuyé.

Je t’embrasse tendrement mon cher enfant,

Emy

Notes

1  Léon Damas Froissart.

2  Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.

3  Elisa, employée par la famille Degroote.

4  Michel Froissart, frère de Louis.

5  Louise Marie Dumas-Milne-Edwards, épouse d’Armand Caruel et mère de plusieurs enfants.

6  Poupette : Jeanne Dumas ?

7  Probablement Cécile Dumas, sœur de Louise Marie.

8  Marthe Pavet de Courteille, veuve de Jean Dumas, mère de Cécile et Louise Marie.

9  Madeleine Peignot.

10  Suzanne Chardon, veuve de Georges Peignot.

11  L’abbé Marcel Pératé.

12  Georges Peignot, tué en 1915.

13  Madeleine Froissart, son époux Guy Colmet Daâge (et leurs enfants ?).

14  Maxence de Colleville et son épouse Géraldine de Bouteiller.

15  Anne Marie, Georges, Geneviève et Odile Degroote.

16  Anne Marie (10 ans) Degroote.

17  La « Neurosine Prunier » est réputée « reconstituer l'organisme ».

18  Probablement Thibaut de Solages.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart), «Jeudi 30 et vendredi 31 mai 1918», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1910-1919, 1918,mis à jour le : 04/10/2016

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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