1918 |

1918-085

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart)

Dimanche 14 et lundi 15 juillet 1918

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Léon Damas Froissart (Ecuelles) à son fils Louis Froissart (mobilisé)

Dimanche 14 et lundi 15 juillet 1918

Dimanche 14 et lundi 15 juillet 1918

14 Juillet 18

Mon cher Louis,

Je ne sais où tu fêtes le 14 Juillet ? moi, je suis venue le passer à Ecuelles1 dans un calme délicieux qui me paraît très reposant. Non pas que Paris soit agité, tant s’en faut ! il est plutôt trop calme, mais j’ai trouvé moyen de m’y agiter passablement et un peu de délassement fait du bien. La nouvelle du jour qui est un événement de famille, c’est que la maison de Bègles, autrement dit le Bourdieu, est définitivement à nous !

Henri2 était allé là-bas chercher un nouveau gîte avec ton papa3 qui hésitait entre plusieurs et tout d’un coup les choses se sont arrangées de la façon la plus commode, car le Bourdieu est bien plus près de Bordeaux que toutes les autres solutions entrevues. Hippolyte et Bertha4 y ont été immédiatement expédiés pour occuper les lieux. Lucie5 va se transporter avec les enfants6 Mercredi, malheureusement, il faut que les places soient occupées depuis Paris de sorte qu’ils seront obligés de revenir de Nogent à Paris et changer de train à Montparnasse pour prendre l’express de Bordeaux. J’espère que nous pourrons cependant nous arranger pour que Lucie ne monte dans le train qu’à Chartres.

Je n’en finirais pas si je te disais toutes les démarches qu’a faites ton pauvre papa et les industries auxquelles il a eu recours pour arriver à faire réquisitionner une autre maison7 et pourvoir les Américains de tout ce qui y manquait en literie et linge ; et tous les déboires, tous les ennuis qu’il a eus depuis 3 semaines. On en remplirait un volume ! Le succès final est vraiment le triomphe de la persévérance.

J’ai trouvé ici des nouvelles de toi. Patrice8 enchanté de ta lettre me l’a communiquée comme Made9 la sienne. On parle du cheval « Pharmacien » et d’oncle Louis qui joue tout le temps au soldat. Toute la famille part pour Saint-Pair (près Granville) après-demain, pour passer 15 jours chez Mme Pierre Colmet Daâge10.

Guy11 est encore très fatigué de sa grippe qui comportait de l’embarras gastrique. Je pense bien que c’est cela aussi qu’a eu Michel12 et dont il reste également fatigué tout en ayant repris sa vie active. Pierre13 est passé à l’EM de l’artillerie du CA14. Le secteur postal reste 89. Je pense qu’il est furieux.

J’ai une ennuyeuse nouvelle à t’apprendre : munie des renseignements que ton papa m’a donnés au sujet de ton révolver, je suis allée chez Gastinne R.15 mais une circulaire ministérielle du 3 Juillet interdit la vente d’aucune arme à qui que ce soit et les militaires, y est-il dit, doivent se munir exclusivement des armes règlementaires qui leur sont données. J’étais bien vexée de devoir repartir Gros Jean comme devant et de ne pouvoir, à cause de quelques jours de retard, satisfaire ton désir. On donne à cette circulaire une explication qui la justifie bien, mais qu’il est peut-être difficile de te communiquer par lettre.

Je termine cette lettre Lundi matin entre Moret (où le train est arrivé avec 2 heures de retard) et Paris. Heureusement que je n’ai invité personne à déjeuner.

Nous avons fait hier une jolie promenade dans la « voiture de [Mignon] » avec Patrice et B.16 ravis. J’étais heureuse de voir et de sentir le blé mûr.

Je t’embrasse tendrement, mon petit et t’envoie les amitiés de tous ceux qui ont su hier que je t’écrivais.

Emy

Notes

1  Chez les Colmet Daâge.

2  Henri Degroote.

3  Léon Damas Froissart.

4  Hippolyte et Bertha, employés par les Degroote.

5  Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote (elle est enceinte).

6  Anne Marie, Georges, Geneviève et Odile Degroote.

7  Probablement : une autre maison que Campagne-lès-Hesdin.

8  Patrice Colmet Daâge (6 ans), neveu de Louis Froissart.

9  Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.

10  Armandine Calongne, veuve de Pierre Colmet Daâge.

11  Guy Colmet Daâge.

12  Michel Froissart, frère de Louis.

13  Pierre  Froissart, frère de Louis.

14  EM : Etat-Major ; CA : corps d’Armée.

15  L’armurier Gastinne Renette.

16  Patrice et Bernard Colmet Daâge.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Emilie Mertzdorff (épouse Froissart), «Dimanche 14 et lundi 15 juillet 1918», correspondancefamiliale [En ligne], 1918, Correspondance familiale, 1910-1919,mis à jour le : 18/03/2016

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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