1875 |

1875-033 bis

Marie Berger

Vendredi 14 mai 1875 (B)

Lettre de Marie Berger (Vieux-Thann) à son amie Marie Mertzdorff (Paris)

Vendredi 14 mai 1875 (B)

Vendredi 14 mai 1875 (B)

Vendredi 14 Mai 1875.1

Chère et bonne amie,

Merci pour ta gentille lettre et pour ta sympathie elle m’a fait tant de bien dans ces tristes de moments, il faut avoir passé par ce malheur2 pour le comprendre jamais je n’aurais cru que c’est aussi affreux, tu le sais aussi chère amie et tu comprends notre chagrin.
Tout a été si vite que le coup n’en a été que plus terrible, mercredi nous partions pour [Sauvo], vendredi elle tombe malade et 9 jours après elle n’était déjà plus. Nous sommes rentrées de [Sauvo] le lundi et nous n’avons plus quitté notre chère bonne-maman nous avons tous veillé deux nuits avant sa mort car on attendait la fin d’un moment à l’autre. Elle est morte samedi matin à 11 heures, nous étions tous là, même les petits, Louis3 est arrivé heureusement à temps, la dernière phrase de bonne-maman a été pour lui.

Notre chère bonne-maman a eu une bien belle mort elle n’a presque pas souffert et a eu sa connaissance jusqu’à la fin, elle se sentait mourir et était toujours si calme, elle a reçu les derniers sacrements mercredi, elle l’a demandé elle-même, la veille de sa mort elle a fait venir monsieur Zimmerman4 et lui a demandé d’être enterrée avec grand-papa5, elle a aussi dit à la sœur la croix qu’on devait lui mettre entre les mains quand elle n’y serait plus, enfin ell quand on lui parlait de sa guérison elle répondait toujours « que la volonté de Dieu soit faite » et vendredi quand Mme Breymann6 est venue la voir elle lui a tendu la main en disant « Dieu le veut ainsi ». N’est-ce pas chère amie quelle belle mort et quelle résignation, cette pauvre bonne-maman a pensé à tout, quand elle nous voyait tous près d’elle elle demandait pardon de nous déranger, et elle a dit à l’oncle Léonce7 « n’est-ce pas les journées sont longues » puisqu’elle savait qu’il n’avait pas d’occupation ici.

Enfin tout le monde nous a montré beaucoup de sympathie et nous avons vu alors combien notre chère bonne-maman était aimée, sont lit de mort était couvert de bouquets et de couronnes. Tout est bien triste ici quand comme tu peux le penser, ce ménage d’en bas est si vide et constamment nous sommes obligées d’y passer, cette pauvre tante Marie8 veut conserver sa chambre et le petit salon mais elle fait, autrement, ménage avec nous ainsi que l’oncle Jules9, ce serait trop triste d’être à eux deux pour les repas.

Si seulement vous n’étiez pas si loin chères amies c’est si long encore jusqu’au mois de Septembre.
Remercie aussi Emilie10 pour sa gentille lettre, maman11 ne me l’a donnée que ces jours-ci, elle n’a pu y penser pendant la maladie de bonne-maman. J’espère que vous êtes remises toutes les deux.

Adieu bien chère amie, embrasse bien Emilie pour moi, fais mes amitiés à Cécile12, elle doit aussi être bien affligée de cette nouvelle car elle aimait bien bonne-maman.
Je t’embrasse de tout mon cœur et suis
Ta plus dévouée amie,
M. Berger

Je t’envoie notre photographie qui a été faite il y a six semaines, j’espère qu’elle te fera plaisir.

Notes

1  Lettre sur papier-deuil.

2  Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André (« bonne-maman »), décède le 8 mai 1875 à Vieux-Thann.

3  Louis Jules Berger.

4  Thiébaut Zimmerman, maire de Vieux-Thann.

5  Jacques André ( 1850).

6  Pauline Veininger, épouse de Louis Victor Breymann.

7  Léonce Berger.

8  Marie André.

9  Jules André.

10  Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.

11  Joséphine André, épouse de Louis Berger.

12  Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.


Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Marie Berger, «Vendredi 14 mai 1875 (B)», correspondancefamiliale [En ligne], 1875, Correspondance familiale, 1870-1879,mis à jour le : 03/04/2018

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
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