1787 |
1787-01
Jean Charles Nicolas DumontFin juillet 1787
Lettre de Jean Charles Nicolas Dumont (Oisemont) à son fils Charles (Paris)
Mon ami1,
Nous nous portons bien tous et nous avons heureusement pu prendre notre parti sur le désastre qui vient d’arriver ici.
Le 16 de ce mois, en moins d’une heure, tout Oisemont a été brûlé et on peut dire qu’il n’est plus car il ne reste que très peu, c’est-à-dire quatre à cinq maisons remarquables et les baraquements qui sont dans ce que nous appelons les faubourgs2.
Nous sommes du nombre des incendiés, mais nous gémissons plutôt sur le sort des malheureux qui ont tout perdu que sur le nôtre. Nous avons retiré notre argent, notre argenterie, les papiers qui regardaient la commanderie et qui m’avaient été remis pour la confection du terrier et que j’aurais été désolé d’avoir vu devenir la proie des flammes.
Nous sommes logés au château de la commanderie3 où nous nous louons d’en avoir échappé, car en vérité nous avons été exposés à rester ensevelis sous les décombres.
Jamais, disent tous ceux qui l’ont vu, il n’y a eu un pareil feu ; on ne voyait partout que des flammes, en sorte qu’on n’a eu d’autres ressources que de se sauver, ce qui est cause qu’il n’a pas péri une seule personne comme cela serait plutôt arrivé si on avait cherché à sauver ses effets.
Je t’en dirai une autre fois davantage, ne t’inquiète pas et surtout ne t’avise pas de venir, ce ne serait pas dans un pareil moment que nous voudrions te voir.
Nous avons devant nous trois mille livres d’argent, deux mille livres que nous devons toucher au 1er, notre argenterie, notre boisson qui peuvent faire encore un objet d’au moins trois mille livres. Ainsi, c’est encore un mobilier de huit mille livres. Le reste sera réparé par le travail. Evite-moi d’entrer aujourd’hui dans un plus grand détail.
Je tremblais que ta mère4 fut accablée par la peine mais elle a plus de force d’esprit que je ne l’aurais cru dans une position si terrible, car nous avons perdu très gros.
Le feu a pris près de chez moi et à l’extrémité d’Oisemont, l’église, la maison de feu Monsieur Routhier brûlaient avant ma maison qui a résisté longtemps mais comme il ne fallait compter sur aucun secours, elle n’a pas été épargnée plus que les autres.
Je finis comme j’ai commencé, Oisemont n’est plus, mais nous sommes en bonne santé, nous t’embrassons et nous t’exhortons à n’être pas plus sensible que nous à cette perte qui heureusement est réparable.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’extrait publié par Ludovic Damas Froissart, dans André Marie Constant Duméril, médecin et naturaliste, 1774-1860, 1984, p. 15-16.
Pour citer ce document
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Compléments historiographiques
Cécile Dauphin
Centre de recherches historiques
EHESS
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F-75006 Paris