Lundi 14 Avril 79.

La journée de demain 15 étant un beau jour pour toi ma chère Marie, il l'est aussi pour nous tous. Je ne voudrais pas être le seul à ne pas t'embrasser pour tes vingt ans je charge ce papier à le faire pour moi ; je m'en serais mieux acquitté si j'avais pu te bien serrer dans mes bras com^me je t'aime, mais ce n'est pas mon lot & il faut bien que je me contente de ma lettre, mes pensées feront le reste. Ce n'est pas que cet âge soit le plus bel âge pour un père, qui comme tu sais s'inquiète volontiers mais enfin c'est l'avenir & il faut bien se familiariser avec cette idée qui ne m'empêche pas de t'embrasser ma grosse comme je t'aime.

Tu as sans doute reçu ce matin même ma lettre d'hier, & depuis il ne s'est rien passé de bien extraordinaire dans la blanchiss^erie de V^ieux-th^ann. Elle était bien calme le jour de Pâques & s'il n'y avait eu une petite chasse à quelques chev^aux, qui eux aussi voulaient avoir un peu de fête, l'on n'aurait pas vu un être vivant dans la cour. Il est vrai que le matin nous avons eu la douleur de constater - 4° de froid, de la neige partout. Adieu pêches & abricots, prunes & cerises, la pervenche seule avec la violette ont résisté à ces contretemps. Ce matin Neige encore avec de la pluie mais sans gelée.

Hier j'ai passé près de 2 h chez les G^eorges Heuchel1 que j'ai trouvés en bonne santé ; Jules2 est arrivé Vendredi dern^ier pour 10 jours. la rentrée est pour Lundi proch^ain. Il a bonne mine, bonne tournure, s'est beaucoup fortifié & n'a pas mal engraissé. Le soir j'ai soupé chez Léon3.

Ce matin 2 voitures ont transporté d'abord le moulin4, puis les Léon Hélène comprise5 plus M^me Stackler6, au chemin de fer pour la cavalcade de Mulh^ouse & une bonne journée passée dans la famille Miquey7.
Je garde la maison car M. Jaeglé8 est auprès de sa mère9 avec toute sa famille.
Les Berger10 avec Ge^orges Dum^éril devaient faire une partie de ballon (montagne) mais ce contretemps aura changé les projets.
La semaine proch^aine ces dames11 seront à Neufchât^eau12 & com^mencement de Mai à Paris où elles feront un assez long séjour pour continuer les leçons de chant. Je crois qu'elles vont aussi reprendre le dessin. Vous les verrez sans doute dès leur arrivée.

M^lle Stoecklin doit aussi aller à Paris avec M^me Aubergier qui est à Épinal depuis des mois & qui retourne auprès de sa mère. Je ne comprends pas sa mère.

Ce matin le Jardinier a dépouillé sa serre pour la noce de demain13. Je t'adresse le chiffre de la lettre de remerciement de Fanny Mairel, je n'en ai jamais rencontré de pareil, tu as peut être quelque collectionneur & le monument me paraît rare.

Il est midi, le dîner m'attend, tous mes baisers à ma toute chérie. Je n'oublie pas la petite14 qui m'a adressé une charmante lettre hier.

tout à toi
ChsMff

Je ne retrouve plus la lettre de Fanny.