1854 |
1854-04
Caroline DumérilSamedi 16 septembre 1854
Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Adèle Duméril (Paris)
Paris 16 Septembre 1854
C’est un grand service que je viens te demander, ma chère Adèle, il s’agit de rendre la vie à 20 êtres infortunés qui risquent de la perdre si tu n’arrives promptement à leur secours. Oui, il faut te dévoiler leur misère, ils n’ont plus le moindre petit morceau de mouche ni de vermisseau et quoique tu ne sois point leur voisine ils viennent cependant crier famine chez toi, ils connaissent ton âme compatissante ; pour leur bonheur, ils ont appris à te connaître et ils viennent hardiment te demander des vivres ; n’importe quoi pourvu que cela se mange ; voilà ce qu’ils me crient du matin au soir et surtout pendant que Phébus les gratifie de ses rayons. Mon cœur saigne en entendant ces paroles mots mais je fais semblant de ne pas les entendre car ce ne serait que des paroles de consolation que je pourrais leur donner et on m’a si souvent répété : ventre affamé n’a point d’oreilles que je me tais et je souffre en silence. Miss Jones1 il est vrai m’a bien offert ses habitants ailés de sa demeure, mais c’est si maigre des pattes et une aile voilà tout. J’espère, ma chère Adèle que ce tableau de notre détresse va te toucher ; voici maintenant ce que tu pourrais faire pour nous rendre joie, santé, plaisir. Puisque c’est demain Dimanche et par conséquent jour de congé, ne pourrais-tu pas occuper tes loisirs à chasser pour nous, soit vers de terre, soit cricris ou toute autre chose, tu donnerais ce gibier à ton père2 qui me le remettrait le soir chez ma tante3, et Lundi, ô jour de bonheur ! ô jour dont ils garderont à jamais la mémoire ... ils pourront manger ! J’ai parlé pour les lézards, maintenant je vais causer un peu pour moi (Caroline Duméril).
Ce matin j’ai eu le plaisir de recevoir une bonne lettre de Léon4, je pense au reste que vous en aurez eu une aussi ; je viens de répondre à mon cher frère ainsi tu vois que je ne suis pas en retard.
Tu pourras annoncer à la maison que nous avons de bonnes nouvelles de ma cousine Fröhlich5, la cholérine6 seule règne maintenant à Montataire et la mortalité a cessé et Adèle et Marie ont encore eu une rechute et restent à la diète.
Nous avons bien de l’ennui, nous ne pourrons déménager que Mercredi au plus tôt7 notre monsieur de la rue de la femme sans tête ne peut pas décoller de son appartement, il a M. Salvé à ses trousses depuis hier mais rien n’y fait ; je ne sais s’il aura fini aujourd’hui et dans tous les cas comme il y a du papier à remettre dans 2 chambres il nous faut absolument retarder notre déménagement de 2 jours c’est bien désagréable car nous avons commencé hier à faire nos paquets et tout est en l’air.
Adieu ma chère Adèle, j’aime à croire que tu t’es bien amusée hier à Fontainebleau, reçois deux bons baisers de ta cousine.
Caroline Duméril
et mille remerciements de la part de César, Alexandre, Pompée, Madame de Sévigné, femme de Pompadour, Riquiquette, Cléopâtre, Blanche de Castille, Marquis de Grignan. Je ne les laisse pas signer car ils n’en finissent pas et je suis pressée.
Distribue, je te prie, autour de toi mille choses affectueuses de la part de chacun de nous et garde-s-en un pour toi.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
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