1871 |

1871-102

Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff)

Mardi 19 et mercredi 20 décembre 1871

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Montmorency)

Mardi 19 et mercredi 20 décembre 1871

Mardi 19 et mercredi 20 décembre 1871

Vieux-Thann1

Mardi soir

Ma bonne petite Mère,

Comment ai-je pu rester si longtemps sans t'écrire, je m'en fais des reproches ; ce n'est pas faute de penser à toi, mais je me suis adressée à Aglaé2 cette semaine la sachant retenue à la chambre, et j'ai compté sur elle pour te transmettre nos amitiés.

Tu dois avoir eu bien froid à Montmorency, et tu ne peux guère avoir encore des ouvriers aussi, je pense, que tu vas hâter ton retour pour te retrouver auprès d'Aglaé ; la pauvre enfant a dû bien souffrir elle est toujours si courageuse. Nous avons reçu plusieurs fois de son écriture, et je lui suis bien reconnaissante de son attention, elle a continué à gâter mes petites filles3 comme toi en leur adressant de si charmantes lettres. Merci, pour la jolie petite bande, elle est venue retrouver, comme tu le dis, sa sœur aînée, et en ce moment elle est chez le tapissier à se faire monter pour nous revenir dans tout son éclat comme la première qui fait l'admiration de tous ceux qui la voient, elle est parfaitement réussie, merci, merci pour l'attention et l'exécution.

Ici l'on continue à bien travailler, c'est toujours bon pour chacun aussi personne ne se plaint.

Mercredi 1h

Mon écriture d'hier soir te dira assez ce qui m'a forcée à laisser ma plume, c’est inutile donc de te dire qu'elle se promenait seule sur mon papier et qu'il était l'heure d'aller se coucher. Aujourd'hui rien de remarquable à vous dire, dégel complet au moment où on croyait à une nouvelle reprise de la gelée, ce matin verglas. Charles4 à Mulhouse pour une réunion de la fameuse Société des Eaux de Wattwiller, il faut qu'on prenne des mesures radicales, c'est toujours ennuyeux.

Voici le maître de Musique, je voudrais au moins que tu reçoives ce petit mot, chère bonne mère, il te portera toutes mes tendresses. Voilà bientôt cette triste année terminée, hélas tout ce qu'elle nous a enlevé nous était si cher, que le souvenir en est aussi poignant qu'au 1er jour, si ce n'est plus ; pour moi le cher visage ami5 que nous aimions tant semble encore nous sourire doucement, il est dans un monde meilleur exempt des troubles qui nous agitent. Mais que de regrets pour ceux qui sont privés de le voir et qui savaient apprécier tout ce qu'il valait. Pauvre mère, pourquoi est-ce que je me laisse aller à te parler ainsi.

As-tu pu arranger tes affaires d'ouvriers pour rentrer dans ce vilain Paris qui renferme tes plus tendres affections.

Écris-moi, n'est-ce pas quand ce ne serait que quelques lignes.

Charge-toi de toutes mes amitiés pour papa6, Alfred7 et Agl et garde pour toi les tendresses de ton Eugénie M.

Bien des choses à François Pauline8 et Jean et sa femme9. Cécile10 me charge toujours de mille choses pour eux.

Notes

1 Lettre sur papier deuil.
2 Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards, à Paris.
3 Marie et Emilie Mertzdorff.
4 Charles Mertzdorff.
5 Celui de Julien Desnoyers (†).
6 Jules Desnoyers.
7 Alfred Desnoyers.
8 François et Pauline, domestiques chez les Desnoyers.
9 Jean, domestique chez Alfred Desnoyers, et son épouse Amélie.
10 Cécile, bonne des petites Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff), «Mardi 19 et mercredi 20 décembre 1871», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1871,mis à jour le : 29/08/2013

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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