1791 |

1791-11

André Marie Constant Duméril

Dimanche 18 septembre 1791 (A)

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)

Dimanche 18 septembre 1791 (A)

Dimanche 18 septembre 1791 (A)

Dimanche 18 septembre 1791 (A)

Dimanche 18 septembre 1791 (A)

n°13

Rouen ce 18 septembre 1791

Maman,

Celle-ci ira vous saluer de ma part à la première occasion, elles ne sont plus rares maintenant, car j’en ai quatre à la semaine. D’un hôtel ici, qui prend pour enseigne la ville d’Amiens, et dont le maître charge quatre voitures au moins par semaine, mais il y en a deux qui partent souvent le même jour, le lundi et le vendredi, ou plutôt, les jours ne sont pas fixés : les voitures partent lorsqu’elles ont de quoi charger. Vous me nommez les députés1, et je vois le nom de M. Saladin : il manque donc un juge ? L’a-t-on nommé à sa place ? Mon oncle2 n’aimerait-il pas beaucoup mieux être Juge de District, qu’accusateur public, puisque ces places sont du même revenu ? Je suis bien content que M. Dubois soit nommé greffier, comme cela chacun se retrouve à sa place. Ma sœur3 a tort de demander des lettres. Elle m’a dit qu’elle allait à Auxi-le-Château que j’écrive avant son départ qu’elle m’a fixé ; pour lors j’ai été privé d’occasion, j’attends son retour.

Se porte-t-on bien à Oisemont ? Donnez-moi des nouvelles de la famille. J’ai appris hier par une espèce de Charlatan Picard qui se dit d’Oisemont, que M. Magnier4 chirurgien, et son neveu, son neveu ! à l’âge qu’a M. Magnier, avoir été tué malheureusement au château d’Huppé par un garde qui lui avait lâché involontairement un coup de fusil dans le bois. Cela est-il vrai ? Je me suis fait un ami, vraiment un ami, du grand vicaire5 dont je vous ai parlé. Je sors de déjeuner chez lui, si je le croyais, j’y serais toujours ; c’est l’ami intime de Mgr l’Evêque6. C’est le premier des grands vicaires qu’il a nommé et quand il est à Rouen ils sont toujours ensemble. Il s’occupe beaucoup de la Botanique, mais particulièrement de la culture : il a un caractère qui est bien humain. Jugez vous-même : hier le soir nous allions voir un cultivateur botaniste qui a traduit en français un ouvrage de Linné7. Il demeure à une petite lieue de Rouen sur une montagne, dans un village appelé le bois Guillaume : une belle route de pommiers y conduit par la vallée. Nous cheminions, tout en naturalisant, sans beaucoup prendre garde à nous ; une branche de pommier, qui pendait de l’arbre vint lui frapper dans l’œil et lui fit un peu de mal. Eh bien, qu’est-ce qu’il fit ? devinez-le ? il prend son couteau, coupe la branche et dit : du moins, c’est pour la dernière fois. J’avais bien souvent remarqué qu’il cassait des branches, ôtait des cailloux du milieu des chemins, et les envoyait au loin. J’ai cru qu’il faisait cela machinalement, mais l’action qu’il fit hier n’en a donné les raisons. Il m’explique tout, me montre tout, avec une précision, une netteté inconcevable : c’est pour moi un second M. Touchy.

Vous me dites que vous avez demandé ma mesure au cordonnier d’Auxi-le-Château, mais ce sont des souliers propres que je demande car ceux que vous m’avez fait passer sont un peu larges et un tant soit peu grossiers pour s’habiller. Mandez-moi si j’en ferai faire ici, ou si vous vous en chargez ?

Lorsque vous me ferez passer les pelotes, dites à Désarbret8 que je le prie de vous donner d’abord l’herbier que Mme Carbon m’a donné, après l’avoir serré on ne peut mieux avec des cordes, de peur que les plantes ne s’usent par le frottement. secondement, un petit portrait de Geoffroy, couvert en papier bleu. Ensuite un filet à prendre des oiseaux qui est à traîner quelque part et qui m’appartient. Duquesnel9 me l’a donné : comme on ne connaît pas ici la chasse à laquelle il sert et que celui-là est un peu commun, si vous vouliez donner de l’argent à Auguste10, il pourrait m’en avoir un, au marché aux oiseaux (il ne coûte pas cher, c’est un filet à l’Abreuvoir) et le plus difficile, ce serait de faire en sorte de r’avoir un tableau des parties des plantes que m’a données M. D’Eu11 et que Duméril12 a dans sa chambre, sous la promesse de me le rendre quand j’en aurai besoin. Dites-lui que ce temps-là est arrivé et s’il vous le donne faites-moi le passer. Rien de nouveau ici : toujours bien portant, je vous souhaite la même chose, adieu je vous embrasse et suis votre fils

Constant Duméril

Notes

1 L’Assemblée Législative commence de siéger le 1er octobre 1791. La Constituante ayant décidé qu’aucun de ses membres ne pourrait faire partie de la nouvelle assemblée, les députés élus sont pour la plupart des inconnus.
3 Reine Duméril.
4 Les Magnier sont alliés à la famille Dumont (Marie Thérèse Magnier est l’épouse de Jean Charles Nicolas Dumont).
6 Louis Charrier de La Roche, évêque à Rouen depuis le mois d’avril.
7 François Alexandre Quesné (1742-1820), botaniste né à Rouen, a traduit du latin la Philosophie botanique de Charles Linné [1707-1778], dans laquelle sont expliqués les fondements de la botanique, avec les définitions de ses parties, les exemples des termes, des observations sur les plus rares, ouvrage publié en 1788 à Paris et à Rouen (imprimerie de Louis Oursel).
8 Joseph Marie Fidèle Duméril dit Désarbret, frère d’André Marie Constant.
9 Probablement son cousin Alexandre Duval, fils de Joachim Martin dit Duval Duquesnel.
10 Auguste Duméril, frère d’André Marie Constant.
12 Jean Charles Antoine dit Duméril, frère d’André Marie Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p.  60-63


Pour citer ce document

André Marie Constant Duméril, «Dimanche 18 septembre 1791 (A)», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1790-1799, 1791,mis à jour le : 18/09/2006

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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