1791 |
1791-23
André Marie Constant DumérilDimanche 13 novembre 1791
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à Louis Joseph Deu de Perthes
n°26
Copie de la lettre écrite par Constant à M. D’Eu1 le 13 9bre 1791
Monsieur,
Que votre âme est belle ! que vous sentez bien la perte que je viens de faire ! Que vos conseils sont bons ! que vos offres sont obligeantes !
Je vous devais... Je vous dois tout, vous vous êtes toujours intéressé à ce qui me regardais, et vous me le faites sentir bien vivement aujourd’hui. Jeune encore, sans expérience, sans connaissance ; vous avez voulu m’instruire ; vous m’avez placé chez une personne qui pouvait me donner tout ce que vous désiriez pour moi. Vous me conseillâtes, bien sagement, de profiter d’un temps que je perdais à la maison : j’usais et je me trouvais bien de vos avis. Je tirais le plus grand parti des lumières de M. Thillaye, lorsque je m’en suis vu malheureusement séparé...
Je vous instruisis de mon sort. Vous prîtes part à ma Douleur, ma position vous parut cruelle, Vous en sentîtes toute la rigueur et vous m’aidâtes de vos avis. Mes goûts, vous le savez, Monsieur, m’ont toujours porté vers la médecine, tel a toujours été mon but ; c’est là où tous mes vœux ont été tendus. Vous n’ignorez pas que je ne me suis décidé à entrer dans la Droguerie que parce que je ne m’éloignais pas de mon but et que je voulais tirer parti avec M. Thillaye d’un temps que je perdais inutilement, en attendant que l’assemblée eût décidé quelque chose sur la profession de Médecin. Jusqu’ici rien ne s’était opposé à mes vues, rien ne dérangeait mes projets, mais la mort de M. Thillaye vint apporter de grands embarras....
Voilà, Monsieur, la position dans laquelle je me trouve jusqu’ici. Mes parents2 ne se sont pas opposés à ce que je prisse la partie de médecine ; Mais peut-être ont-ils changé, mes réflexions pourraient moi-même m’en faire éloigner, je sais si peu de choses... et il me faut encore tant d’années d’études !
Que vous êtes obligeant ! que vous aimez à rendre service ! quoi, déjà vous avez intéressé quelqu’un à mon sort ! je ne sais comment vous témoigner ma reconnaissance ; je n’ai pu que pleurer en lisant votre lettre. C’est à mon cœur seul que vous avez parlé ; je n’ai dû que vous admirer.
Oui, Monsieur, j’ai fait quelques connaissances ici : le professeur de mathématiques est un bon botaniste, quoique jeune c’était l’ami de M. Thillaye et le mien. Je n’ai pu jusqu’ici assister à ses leçons mais j’espère commencer demain. M. le chevalier Aubert3 est encore ici. Il m’a dit ces jours passés qu’il avait quelques graines à vous faire passer. Je m’en suis chargé et j’espère, s’il me les donne, vous les faire passer avec quelques-unes que j’ai ramassées pour vous.
Rien encore de Déterminé relativement aux affaires de madame Thillaye4, peut-être fera-t-on une vente, il serait malheureux que tant de livres ramassés avec tant de peine se trouvassent épars çà et là. Il n’y a pas d’amateur ici et la bibliothèque qui lui a coûté 6 à 8000ll est estimée à peine 2000ll. Cavanilles que vous connaissez est estimé 9ll les deux volumes. S’il y a vente je vous ferai passer la note des livres de botanique.
J’ai l’honneur d’être etc...
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 81-83
Pour citer ce document
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Cécile Dauphin
Centre de recherches historiques
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