1857 |
1857-08
Caroline DumérilJeudi 10 et vendredi 11 septembre 1857
Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)
Paris 10 Septembre 1857
C'est faute de temps si je ne suis pas venue causer plus tôt avec toi, ma chère Isabelle, car j'en avais bonne envie, je t'assure, mais j'ai été fort occupée à mon retour et hier j'ai eu toute la journée mes amies1 qui partent à leur tour en voyage et que je ne reverrai pas avant le mois d'Octobre. Je leur ai raconté tout au long le délicieux séjour que j'ai fait chez ton père2 et combien tu as été gentille et affectueuse avec moi ; toutes les petites histoires que je leur ai racontées les ont amusées beaucoup mais on prétend que j'ai eu trop de plaisir au Havre3 et si j'ai la moindre distraction, on ne manque pas de dire : bon, voilà Crol à la Côte et c'est qu'il est bien vrai que j'y suis souvent en esprit ; j'aime tant à me rappeler nos tête-à-tête dans le jardin, nos folles causeries, nos réunions de famille et les taquineries dont j'étais accablée ; tout enfin m'est un agréable souvenir. J'attends maintenant avec impatience le moment de ton voyage à Paris où nous pourrons nous revoir j'espère un peu tranquillement et à notre aise.
Tu as su que nous avons voyagé avec les messieurs Labouchère, décidément Alfred est un bon garçon et ils nous ont été tous deux des compagnons de route fort agréables.
Le jour de notre arrivée nous avons dîné chez bon-papa4 et Adèle5 m'attendait avec impatience elle m'a fait bien bon accueil, la chère enfant, et n'a guère quitté mes côtés. Quoique je ne m'y attendisse guère, je suis allée Lundi à l'Opéra voir les Huguenots6 ; nous avions des places dans une loge donnée à mon cousin M. Devers le peintre ; j'ai beaucoup joui de ce magnifique opéra dont la musique est si belle.
J'ai bien pensé à toi et à tes chers Anglais7 pendant la journée de Dimanche ; qu'en auras-tu fait ? je suppose que maintenant ils sont de retour dans leurs foyers et ainsi la maison doit être un peu plus calme
Vendredi matin.
Hier j'ai été interrompue dans cette lettre par une longue visite de Mme Rainbeaux8 et ensuite il a fallu partir pour dîner chez bon-papa ; aussi ce matin je prends bien vite ma plume pour t'envoyer sans plus de retard ce petit bout de causerie qui devrait être près de toi depuis longtemps. Si chaque fois qu'on pense à quelqu'un, la pensée s’écrirait d'elle-même je t'assure que tu recevrais une lettre fameusement longue et qui te prouverait combien sont bons et doux les souvenirs que j'ai emportés du Havre.
Tu seras mon interprète, n'est-ce pas, auprès de ton bon père pour le remercier de toute la jouissance qu'il m'a procurée ; j'aurais voulu à mon départ lui exprimer ma reconnaissance mais je suis malheureusement dans la classe de ces personnes qui savent sentir sans pouvoir en faire part et qui gardent tout pour elles. Dis bien aussi je t'en prie à Mlle Pilet9 combien son accueil affectueux et ses aimables attentions m'ont vivement touchée, j'y pense bien souvent.
Tu embrasseras bien fort ma chère petite Mathilde10 pour moi et tu lui raconteras qu'à Paris tout le monde trouve délicieux le mouchoir qu'elle m'a donné et que je garde comme un bien gentil souvenir d'une cousine que j'aime beaucoup. Nous aimons à espérer que ton cher oncle11 va mieux, n'oublie pas de me donner de ses nouvelles dans ta première lettre que j'attends très prochainement. Je compte bien ne pas être longtemps à te récrire mais dans ce moment je suis fort occupée par ma tapisserie que je veux absolument finir et nous partons, je pense, le 22 pour Montataire12.
Adieu ma bien chère Isabelle, reçois avec un bon baiser l'assurance de la vive et sincère affection de ta cousine et amie
Crol
Un bon baiser de ma part au petit bonhomme13.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
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