1868 |

1868-27

Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff)

Lundi 3 août 1868 (A)

Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Lundi 3 août 1868 (A)

Lundi 3 août 1868 (A)

Villers-sur-Mer

Lundi 9h

Je ne veux pas que tu croies que c’est parce que je n’ai pas eu de lettre de toi hier soir que je ne t’écris pas, ce ne serait ni juste, ni bien, car des lettres en valent bien 4 des miennes.

Hier soir Morphée a eu un tel empire sur ta femme, qu’il a fallu lui céder, c’est là ce qui m’a empêchée de venir te griffonner quelques lignes. Nous avions passé notre journée sur la plage au grand soleil avec Mme Dumas1 qui est bien gentille, mais a bien besoin de se reposer, elle est si maigre. Alphonse2, nos 2 chères fillettes3 et Jean4 étaient à quelques pas de nous traînant les filets de pêche, et ils nous ont servi un excellent plat de crevettes fruit de leur prise travail, et à dîner chacun y a fait tant d’honneur qu’on a renvoyé la dinde rôtie sans l’entamer. Notre ménage marche très bien.

Alphonse nous a quittés à 5h mais il pense revenir à la fin de la semaine et fera tout pour ramener le Julien5. Et toi est-ce que tu ne viendras pas t’associer à cette colonie qui est tant la tienne.

Une voiture de bohémiens dans les habitants se baignent sous nos yeux. Voilà 5 voitures qui passent à la suite.

Je ne me baignerai pas aujourd’hui, je me sens encore un peu fatiguée. Nous avons tous des mines de gens de couleur. Ta Founi est littéralement rôtie et les autres à l’avenant. Tu serais bien heureux si tu voyais l’oncle Alphonse avec elles. Il ne les quitte pas, les soigne, leur apprend quantité de choses et hier en les regardant faire leurs trous d’eau dans leur si beau costume il me disait : « Vous êtes trop heureuse, vous, vous n’avez pas à gronder, tout vous est si facile, elles sont trop gentilles && ». C’est bien ce que je pense, mon cher Ami, mais ce pauvre Alphonse comparait avec le mal qu’ont ses sœurs6. Cette pauvre Louise est si abattue de la mort de son petit enfant.

Pourquoi, en parlant de notre pays, dis-tu l’ex-capitale du blanc, quelle en est la capitale maintenant, homme timoré ?

J’ai écrit hier à bonne-maman Duméril7.

Emilie8 m’a écrit mais rien de remarquable ; on voit qu’elle nous envie. Pauvre femme c’est vrai que nous somme bien plus heureux qu’elle.

Aglaé9 est toujours la dévouée des dévouées pour tout son monde, la voilà qui s’occupe de Noël10 comme de son fils.

Adieu, mon cher Charles, je ne te réponds pas sur tout ce que tu me dis sur tes occupations et affaires, ce n’est pas que cela ne t’intéresse beaucoup, mais que te dirais-je ? Que tu ne te fatigues pas trop, que tu aies plus confiance en toi-même et que pour te reposer tu penses que ta petite femme t’aime plus que tout et que tes petites filles sont dans les mêmes sentiments pour ce bon père que nous serons si heureux d’embrasser.

Ta Nie

Tout mon entourage me charge de mille amitiés pour toi.

Bon souvenir à tous ceux du Vieux-Thann que je n’ai pas oubliés et que j’irai retrouver avec plaisir.

Notes

1 Cécile Milne-Edwards épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
2 Alphonse Milne-Edwards.
3 Marie et Emilie (Founi) Mertzdorff.
4 Le petit Jean Dumas.
5 Julien Desnoyers.
6 Cécile Milne-Edwards, mère de Jean Dumas ; Louise Milne-Edwards, épouse de Daniel Pavet de Courteille, mère de Jeanne et Marthe ; elle a perdu 4 enfants Alphonse (1862), Etienne (1865), Paul (1866), Joseph (1867).
7 Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
8 Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
9 Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
10 Noël Dumas.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer ce document

Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff), «Lundi 3 août 1868 (A)», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1860-1869, 1868,mis à jour le : 24/01/2013

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
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