1868 |

1868-34

Charles Mertzdorff

Vendredi 7 et samedi 8 août 1868 (B)

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)

Vendredi 7 et samedi 8 août 1868 (B)

Vendredi 7 et samedi 8 août 1868 (B)

Vendredi 7 et samedi 8 août 1868 (B)

CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX THANN

Haut-Rhin1

Ma chère Eugénie

Je viens te confirmer ma lettre de hier au soir & ce matin par laquelle je te dis que je me décide à rester à mon poste. Non pas je t’assure parce qu’il me procure des jouissances trop vives, ou que la paresse de bouger m’empêche de voyager.

J’avais reçu hier une lettre de bon-papa2 & Léon3 qui me dit que maman Duméril4 est assez souffrante pour garder le lit. Heureusement que ce soir Léon me dit que sa mère est de nouveau bien & trottine comme si de rien était dans sa maison. Mais elle a eu un fort dérangement avec vomissements toute la nuit d’hier & la journée. Une bonne nuit l’a remise. Je me disposais à aller à Morschwiller demain matin ; mais n’en ferai rien maintenant. Depuis quelque temps bonne-maman n’est pas très bien, elle veut toujours rester jeune & ne pas se soigner.

Ce soir à 5 h il est aussi arrivé un grand malheur dans notre cour, l’un des Italiens5, maçon de mon entrepreneur est tombé du haut de son échafaudage. L’on ne sait comment ; personne ne l’a vu tomber. Il est resté sur le coup sans faire un seul mouvement, il était mort.

Une enquête s’est faite, mais nous ignorons la cause de sa chute, l’on croit qu’il est resté accroché par sa botte déchirée. C’est un jeune homme de 24 ans marié depuis 1 an, sa femme6 attendant un enfant, son beau-frère7 est ici travaillant avec lui.

Si j’avais été avec vous un télégramme me faisant rentrer ; le coup est le même, c’est le voyage de moins.

Lorsque mon oncle8 est venu m’annoncer cette triste nouvelle, j’étais chez ma mère9 m’occupant un peu de l’ancienne affaire de mon père.

Aloïs10 va dès demain matin chercher de l’Eau à Wattwiller & le soir même, je prendrai mon premier bain ne voulant pas passer l’hiver, sans faire cette saison à laquelle je suis malheureusement un peu habitué. Et craindrais avoir à me le reprocher si je ne le faisais pas. Le fâcheux arrive toujours, même lorsqu’on croit avoir fait consciencieusement son devoir.

J’espère que l’on aura écrit à ta camériste11 ; dans tous les cas dès cet après-midi Thérèse a mis la petite Thérèse12 à récurer le haut de la maison, va faire continuer demain & après. Va cuire de l’encaustique & soigner le reste.

Lundi Jean lavera à l’essence les parquets du bas & remettra en Couleur Bulffer.

Comme dit je me tiendrai pendant ces quelques jours dans la chambre à donner. Du reste je suis si peu dans la maison que cela ne sera pas un grand dérangement pour moi.

Du reste Thérèse pour satisfaire Madame, fera frotter le pauvre Jean, ce sera si luisant que l’on se tiendra aux murs pour conserver intacts bras & jambes. Mais c’est bientôt la saison des tapis ?

Pour les 16 & 17 & peut-être 18 nous allons entreprendre un assez gros travail, c’est de curer le Canal adjacent de Mme André13. Je ne suis pas fâché d’y être.

Tu vois par mes longues, trop longues missives ne me distrais pas trop ; que mes plaisirs sont très modérés. Mais j’ai toujours la satisfaction de vous14 savoir en bonne santé & gaies & contentes & le bon espoir de vous revoir installées ici en bonnes santés, c’est là toute la vie d’un père & d’un mari. Tout cela donne bon courage & fait sinon oublier atténue bien des choses.

Pour ce soir, je ne vois plus rien à te dire, du reste je vais tâcher de dormir, bon soir.

Un peu pressé je n’ai rien de particulier à ajouter il ne me reste qu’à vous embrasser tous comme je vous aime.

Charles Mertzdorff

Samedi 8 matin.

Notes

1 En-tête imprimé.
2 Louis Daniel Constant Duméril, qui vit à Morschwiller.
3 Son fils Léon Duméril.
4 Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant.
5 Il s’agit de Pierre Trentini.
6 Caroline <Ghielmetti>.
7 Gaetano (Gaëtan) <Ghielmetti>.
8 Georges Heuchel.
9 Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, est décédée en février.
10 Aloïs, domestique chez les Mertzdorff.
11 Victoire, pressentie pour travailler chez les Mertzdorff.
12 Thérèse Neeff.
13 Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André.
14 Eugénie et les petites Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Charles Mertzdorff, «Vendredi 7 et samedi 8 août 1868 (B)», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1860-1869, 1868,mis à jour le : 24/01/2013

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris