1828 |

1828-02

Alphonsine Delaroche (épouse Duméril)

Dimanche 26 octobre 1828

Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Saint-Omer)

Dimanche 26 octobre 1828

Dimanche 26 octobre 1828

215 V

26 Octobre 1828

Je suis tellement prise aujourd’hui mon bon ami, que ce n’est qu’un mot que je peux trouver le temps de t’écrire, et comme c’est dimanche et que les lettres se lèvent plus tôt, Alfred1 se charge de mettre cette petite lettre à la grande poste. Hier lorsque nous eûmes vu partir cette énorme voiture qui t’emmenait, je fus chez Laboulée2 faire l’emplette de gants pour le Havre, je retrouvai Eugène3 à la maison et nous revînmes trouver ma tante4 pour dîner, et le soir comme nous nous mettions à lire notre Roman, pour le finir, il nous arriva la visite de M. et Mme Lesson avec la jeune fille5, ils passèrent avec nous une heure et après nous avons fini notre Roman et pris le thé au salon.

Ce déjeuner de la famille Say aujourd’hui a démonté nos domestiques et Henriette à cette occasion a fait la sotte, enfin l’ordre s’est rétabli dans les esprits et aujourd’hui les choses marchent plus tranquillement que je n’osais l’espérer hier soir. A déjeuner nous avons eu M. et Mme Say et Alfred6, nous nous sommes promenés avec l’Eléphant et la girafe7, depuis que nous sommes rentrés ont paru Mme Comte avec ses trois enfants8 et tout à l’heure Octavie9 va venir avec Mme Taylor, cette première restera avec nous jusques à demain, et M. Barlow viendra dîner. Voilà notre histoire, je languis bien de connaître la tienne mon bien bon ami, si tu as cheminé heureusement jusqu’à présent, si tu as pu tirer quelque parti de ton compagnon de voyage qui nous a paru très bien, et s’il vous sera venu plus tard une troisième personne dans le coupé. Nous présumons que tu as déjeuné chez Mme Duval10. Distribue mes tendres amitiés à toute la famille. L’heure me presse, je t’embrasse avec la plus vive tendresse, ton amie serre son cœur contre le tien.

Auguste11 est en retenue à la pension de Paris, tu juges si cela me peine ; nous avons Henri12.

Adieu encore mon bon ami.

A.D

Annexes

Monsieur Constant Duméril, chez Monsieur Duméril13, Place aux veaux à St Omer

Notes

1 Alfred Say.
2 Il s’agit plus probablement de Larroudé, gantier, 16 rue de la Paix, successeur de Bonnaire-Matal (d’après l’Annuaire général du commerce, de l’industrie et de l’agriculture).
3 Eugène Defrance.
4 Elisabeth Castanet.
5 Probablement la petite Anaïs Lesson, née en 1827.
6 Jean Baptiste Say, son épouse Julie Gourdel de Loche et leur fils Alfred.
7 Le vice-roi d’Égypte Mohammed Ali, sur une suggestion du consul Drovetti qui fournit l’Europe en antiquités et en animaux sauvages, avait décidé d’offrir une girafe au roi Charles X. L’animal débarqué à Marseille en octobre 1826 entreprend le voyage jusqu’à Paris sous la surveillance d’Etienne Geoffroy Saint-Hilaire ; ils arrivent dans la capitale le 30 juin 1827. La présentation au roi se fait au palais de Saint-Cloud, en présence de professeurs du Muséum. La girafe, que Buffon lui-même avait décrite sans l’avoir vue, suscite un énorme mouvement de curiosité : elle reçoit une foule de visiteurs au Jardin des Plantes (pendant les six derniers mois de l’année 1827, plus de 600 000 billets sont vendus) et sa silhouette décore une grande variété d’objets. Elle cristallise aussi les sentiments d’opposition à la politique de la Turquie contre la Grèce (par exemple dans la « Lettre de la girafe au Pacha d’Égypte… » de Narcisse Achille de Salvandy). En juin 1830 Balzac signale le désintérêt du public (il évoque symboliquement le déclin des hommes politiques) et sous louis-Philippe la girafe est passée de mode. Elle meurt au début de 1845 ; son corps est disséqué dans l’amphithéâtre du Muséum, dessiné par Henri Marie Ducrotay de Blainville pour le laboratoire d’anatomie comparée et sa dépouille, naturalisée par Poortmann et son équipe, est placée dans la grande galerie. (d’après Gabriel Dardaud, Une girafe pour le roi, Dumerchez-Naoum, 1985).
8 Adrienne Comte (née Say), et ses trois enfants : Pauline (1818-1888), Hippolyte (1821-1880), Edmond (1824-1884).
9 Octavie Say.
10 Flore Maressal, épouse d’Augustin Duval.
11 Auguste Duméril, leur fils.
12 Henri Delaroche.
13 Florimond, dit Montfleury (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril, directeur de l’hôpital de Saint-Omer.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Madame Duméril Delaroche à son mari, p. 36-38)


Pour citer ce document

Alphonsine Delaroche (épouse Duméril), «Dimanche 26 octobre 1828», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1820-1829, 1828,mis à jour le : 21/06/2010

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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