1859 |
1859-24
Caroline Duméril (épouse Mertzdorff)Lundi 18 juillet 1859
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)
18 Juillet 1859
Ma chère Maman
Je t'écris deux mots pour te dire que la petite1 continue à bien aller, M. Conraux sort d'ici et a trouvé ses boutons magnifiques ; elle en souffre un peu depuis hier et cette nuit elle nous a bien réveillées mais sa santé générale ne s'en ressent pas du tout ; depuis qu'il fait un peu moins chaud, elle va beaucoup au jardin, sous la charmille où il y a de l'air et pas de vent. Tu me demandais l'autre jour quel était son costume par ces chaleurs ? il se compose en tout d'une chemise et d'une brassière et sur la tête un tout petit bonnet tricoté à jours sans rien dessus. Ses jambes et ses pieds sont toujours à l'air et comme elle est toujours soit dans la chambre dans son panier à roulettes, soit au jardin dans son grand panier à roues que son père2 lui a acheté et qu'on ne la tient pour ainsi dire pas dans les bras, la légèreté de son costume lui permet de gigoter et de faire aller bras et jambes à son aise. Elle est bien gentille surtout avec son père qui en est un peu fou comme tu le penses bien ; pendant les repas elle est toujours dans son panier à côté de son père et ne cesse pas de le regarder et de lui rire et lui de son côté lui fait la conversation.
Hier notre fête nationale3 a parfaitement réussi et nous en avons été bien contents il y avait grande joie, grand enthousiasme et pourtant pas une dispute, pas un homme ivre, pas un couple inconvenant c'était une foule compacte qui se remuait le mieux qu'elle pouvait au son d'une très bonne musique, les plus petits il est vrai tels que <Charnele> recevaient bien quelques légères bousculades, un garçon, puis une fille ont bien chacun perdu un soulier sans pouvoir les retrouver mais cela étaient des <misères> qui excitaient la joie au lieu de la diminuer. C'était un curieux mélange de vieilles gens, de gamins, de jeunes personnes, d'ouvriers de tous genres car Thann et les autres villages avaient malheureusement un peu trop fourni leur contingent. A 5 h le conseil municipal a ouvert le bal, Charles en tête avec la fille du maire4 puis après le souper nous sommes retournés avec maman5 qui a pris beaucoup d'intérêt, moi j'ai dansé trois fois ce qui leur a fait plaisir. On avait mis à l'entrée de la place un tronc pour les blessés de l'armée et la recette a été dit-on fort belle. De 7 h à minuit chose remarquable il n'y avait pas un chat dans les cabarets, tous étaient à la danse ou autour.
Maintenant que nous avons la paix Charles repense à Wildbad6, ce qui nous fait bien de la peine à tous les deux mais il en sent la nécessité car il est toujours sous le coup d'un rhumatisme sourd qui le tient de la tête aux pieds et il vaut mieux agir avant que le mal soit bien établi.
Je vous remercie bien pour vos bonnes lettres, et pour la poudre puço mortifère je suis toujours abîmée par cet affreux insecte dont j'attrape jusqu'à 7 et 8 dans une journée.
Adieu, ma chère enfant je t'embrasse de tout cœur ainsi que papa7 et attends bien impatiemment le moment de votre arrivée.
Ta fille Caroline
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
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