1857 |
1857-10
Caroline DumérilSamedi 26 et lundi 28 septembre 1857
Lettre de Caroline Duméril (Montataire) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)
Forges de Montataire
26 Septembre 1857
Ah ça, Mademoiselle Isabelle, si c'est ainsi que vous répondez à mes lettres, notre correspondance ne sera pas très active et nous courrons grand risque d'être plusieurs mois sans entendre parler l'une de l'autre si ce n'est par des voies détournées ; petite paresseuse, va, je vois bien que décidément tu aimes mieux causer qu'écrire, pourtant je t'en prie arme-toi de ton grand courage et prends ta plume car je t'avoue qu'après avoir tant joui d'être auprès de toi dans une si grande intimité il me parait dur d'être privée de toute nouvelle ; voilà trois semaines que je suis partie et je n'ai pas entendu dire le moindre mot des chers Havrais. Je pense qu'Edmond1 est retourné en Angleterre, que Georges2 est parti, que ton oncle Pochet3 est complètement rétabli ; que vous allez tous bien mais après tout ce ne sont que des suppositions et je t'avoue que j'attends avec impatience une longue lettre de toi.
Lundi 28.
J'ai été interrompue dans ma causerie, avant-hier et ne puis la reprendre que ce matin. Nous sommes ici depuis Jeudi, chez ma cousine4 et y resterons jusqu'au 5 Octobre puisque ce sont les vacances de Léon5 ; malheureusement le temps est bien gâté et nous ne pouvons guère jouir de la campagne ; hier pourtant il faisait beau et nous sommes allés aux courses de Chantilly qui, comme tu le sais, sont fort renommées et très à la mode ; ce sont les chevaux anglais qui ont remporté tous les prix au grand chagrin de ces messieurs du Jockey-club.
J'ai dévoré Heartsease6, je crois que rarement un roman m'a tant intéressée et je te remercie bien de me l'avoir prêté ; Queechy7 m'a plu aussi ainsi qu'Hélène8 et Isabelle9 ; je te renverrai tout cela par Emile10 à moins toutefois qu'il ne soit à Paris dans ce moment.
Je n'ai pas grand chose d'intéressant à te raconter car je n'ai vu presque personne d'étranger pendant la quinzaine que j'ai passée dans la Capitale, et ici, quoiqu'à quinze lieues seulement de Paris on est tout à fait dans l'ignorance de ce qui s'y passe. Tu auras sans doute appris par les Edgard Duval11 la mort de notre cousine, Mme Comte12, je crois que tu ne l'avais jamais vue mais pour moi qui la connaissais très bien cette mort subite m'a bien frappée.
En m'écrivant, dis-moi un peu ce que tu fais et qui tu vois que je puisse me croire encore un peu auprès de toi ; il me semble qu'il y a déjà si longtemps que nous ne nous sommes vues et que nous n'avons causé.
Si M. Soudey n'est pas encore venu à Paris et s'il compte toujours aller voir Mme de Tarlé13, dis-lui que voici au juste son adresse. Maison St Paul, rue Houdan à Sceaux.
Avant de venir à Montataire j'ai enfin terminé ma tapisserie et j'attends ma chaise toute montée Mercredi ou Jeudi ; comme ma cousine ne s'en doute pas du tout, je jouirai beaucoup de sa surprise.
Adieu, ma chère Isabelle, à bientôt une bonne causerie de toi, je t'en prie, je t'envoie en attendant l'assurance de ma vive amitié et t'embrasse de tout coeur ainsi que Mathilde14
Ta cousine et amie
Crol
Voici comment il faut adresser ta lettre, chez Monsieur Fröhlich aux forges de Montataire près Creil Oise.
Dis à mon cher Lionel15 que j'ai tant parlé de lui à mes petites cousines16 qu'elles ont grande envie de le connaître.
Ne m'oublie pas je te prie auprès de ton père17, de ta tante Gastambide18 et de Mlle Pilet19
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
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