1870 |

1870-122

Jeanne Target (épouse Desnoyers)

Dimanche 30 octobre 1870 (B)

Lettre de Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Paris) à sa fille Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Dimanche 30 octobre 1870 (B)

Dimanche 30 octobre 1870 (B)

Paris, le1 30 Octobre Dimanche 1870

4h moins un quart  

Quand on pense que je ne reçois plus de tes chères lettres, ma douce fille, je les lisais avec tant de bonheur. Depuis 43 jours de séparation de tout le reste du pays, c'est là notre plus grande pénitence de ne pouvoir apprendre ce que vous devenez !.. Nous supportons le reste avec grand courage. La nourriture ne manque pas. On est rempli d'espérance, la confiance règne partout. L'accord est parfait. Chacun fait son service sans le moindre murmure, et met tout son dévouement au salut du pays.

C'est ainsi dans toutes les classes. Si des nouvelles différentes de celles-ci vous sont transmises par voie de journaux, n'en croyez pas un mot. Ce que je vous dis est l'exacte vérité. Ceux qui voudraient troubler l'ordre sont en très minime quantité, leur voix est complètement étouffée par l'opinion générale qui ne désire qu'une chose, chasser le Prussien. Ayez confiance, nous serons sauvés et vous aussi.

Nos santés sont bonnes, nous avons pu constater la même chose pour notre Julien2, il est venu nous trouver ce matin, a déjeuné avec nous est allé au ministère pour des affaires du fort3 et repartira demain matin à 6 heures. Sa vie est très remplie, très utile, il <se> porte à merveille Alfred4 et Alphonse5 prétendent même qu'il est beaucoup mieux sous tous rapports que lorsqu'il était dans mes cotillons, on aurait de la peine à m'en convaincre, mais le fait est que je le trouve très bien, il assaisonne sa conversation de certains petits mots qui ne manquent pas de sel et qui dénotent la vie des camps. Il faut bien se mettre à l'unisson de ce qui nous entoure ; c'est comme nous le bruit du canon nous est si familier que lorsque nous ne l'entendons pas gronder il nous manque quelque chose. Il faut te dire que c'est le nôtre, celui de l'ennemi est trop loin pour arriver jusqu'à nos oreilles.

Gla6, son mari et M. Geoffroy7 sont allés hier jusqu'à Montretout8 <  >, <et sont> revenus par le bois de boulogne, Passy et autre <  >

Tendre baiser à mes chères petites Marie et Emilie9. mille amitiés aux bons Duméril10. Le miel que m'a donné Mme Constant est délicieux.

Papa11 t'embrasse de tout cœur, et moi donc!...<ho> ma chérie <que> je t'aime !

<Julien> te fait mille amitiés il s'occupe d'avoir un canon pour le <68e> <son> bataillon < >.

Annexes

par Ballon monté12

Madame Mertzdorff

à Vieux-Thann

département du Haut-Rhin

Notes

1 Mention imprimée.
2 Julien Desnoyers.
3 Julien Desnoyers est affecté au fort d’Issy.
4 Alfred Desnoyers.
5 Alphonse Milne-Edwards.
6 Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
8 Montretout, village près de Saint-Cloud dont la redoute est occupée par les forces prussiennes.
9 Marie et Emilie Mertzdorff.
10 Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (« Mme Constant »).
11 Jules Desnoyers.
12 Mention imprimée.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer ce document

Jeanne Target (épouse Desnoyers), «Dimanche 30 octobre 1870 (B)», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1870,mis à jour le : 14/06/2012

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris