1874 |

1874-85

Marie Mertzdorff

Dimanche 20 décembre 1874

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

Dimanche 20 décembre 1874

Dimanche 20 décembre 1874

Dimanche 20 décembre 1874

Dimanche 20 décembre 1874

Bonjour mon père chéri,

Il est 9h je viens d’aller au catéchisme où j’ai vu mon cher Friquet1 recevoir un cachet d’or et maintenant me voilà bien installée dans le cabinet d’oncle2 auprès du feu et ayant à côté de moi une provision de livres dans lesquels j’aurais bien de quoi travailler pendant une année et dont le poids écraserait bien un homme (pourvu qu’il ne soit pas bien vigoureux). Seulement comme je commence par venir bavarder avec toi il est fort probable que je n’en ouvrirai pas les ¾.

Pendant que Vendredi bien fatigué tu t’installais dans ton petit salon et qu’ensuite tu te fourrais dans ton lit avec un peu mal à la tête devine où étaient tes filles3 ? Je te vois d’ici te creuser l’imagination : où donc ont-elles bien pu aller ces petites coquines ? Cherche bien petit père. Chez bonne-maman Desnoyers4 – Non – dîner en ville – Pas plus, tu n’y es pas cherche quelque chose de très surprenant de tout à fait extraordinaire.

Mais tu ne trouves pas et comme je ne suis pas Mme Sévigné je ne te ferai pas chercher plus longtemps. Et bien Vendredi soir nous montions à 8h ½ dans une voiture avec tante et oncle5 et nous disions au cocher de nous mener où ? Au nouvel Opéra ! oui mon petit papa tes filles à l’opéra. Mais rassure-toi à l’opéra pas encore dans ses fonctions avant qu’il ne soit habité par ses acteurs et actrices car alors il est probable que nous ne nous dérangerons pas de si tôt pour y aller.

C’était splendide et je ne m’en faisais aucune idée. Nous avons tout visité. L’escalier d’abord est une des plus jolies choses, puis le foyer encore est admirable seulement tout ceci est tellement doré tellement riche et au-dessus de ce que l’on peut s’imaginer que cela en était fatiguant ; nous avons ensuite été sur la scène, dans le foyer des danseuses, dans les coulisses. Ce qu’il y a d’aussi intéressant que le monument ce sont les dessous de la scène ; figure-toi père chéri que sous le plancher il y a une fosse de 4 étages avec des trappes des tuyaux, des rouleaux des cordes && pour les décors c’est effrayants et <   > machine intéresse <de près> serais fort amusé.

Nous étions au lit à 11h et nous nous étions joliment amusées n’est-ce pas qu’oncle et tante ont été bien bons de nous faire voir cela. A . Hier Samedi nous avions suivant notre louable coutume encore beaucoup à faire ; j’ai eu Mlle Duponchel6 puis nous avons été chez Mme Roger7 en sortant de là nous avons de grandes hésitations entre la < > et le plaisir ; mais nous n’avons pu résister à monter chez Paulette8 l’embrasser elle allait mieux et ne souffrait plus elle comptait faire un pas Lundi. De là nous avons été chez Marie Des Cloizeaux que nous avons trouvée et chez laquelle nous avons passé un bon moment. Vendredi rien d’extraordinaire ; Jeudi comme cette pauvre Paule était cloué sur son canapé nous y avons été passer notre moment.

Le temps continue à être à la neige cependant il n’en tombe pas et nous n’avons plus que notre ancienne couche qu’on ne voit du reste plus que dans notre quartier un peu moins civilisé. Aujourd’hui il a fait du verglas.

Bonne-maman Desnoyers était un peu fatiguée aujourd’hui mais elle n’est pas malade et nous espérons qu’elle va se lever.

Merci mon père chéri pour ta bonne lettre reçue ce matin et qui nous annonce ta chère arrivée que nous attendons avec joliment de l’impatience. Quelle débauche comment aujourd’hui tu as dîné en ville (ou plutôt en village) j’espère ! voilà longtemps que nous n’avons de nouvelles de nos amies9 ce sont-elles qui sont en retard.

Si vous êtes là-bas dans les changements de curés nous le sommes aussi à St Médard. M. de Geslin est nommé à Notre-Dame et nous ne savons encore par qui il peut être remplacé10 il nous a fait ses adieux aujourd’hui au catéchisme.

Demain nous avons à dîner ici la famille Brongniart, M. Bureau11 et Louise12 ainsi que M. et Mme Grandidier13 tu vois que de monde ! no

A revoir mon père chéri si je ne veux pas me faire tourner en ridicule je crois que je ferais bien de te quitter et d’ouvrir un ou deux des nombreux livres dont je me suis escortée. Je t’embrasse donc bien tendrement ainsi que bon-papa et bonne-maman Duméril14.

Ta fille Marie

Mertzdorff

Je continue <   > nous faisons des sorbets avec de la neige et des confitures d’airelles.

Annexes

Monsieur Mertzdorff

Vieux-Thann  

Haute Alsace

Notes

1 Emilie Mertzdorff.
2 Alphonse Milne-Edwards.
3 Marie et Emilie Mertzdorff.
4 Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
5 Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
6 Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
7 Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
8 Paule Arnould.
9 Marie et Hélène Berger.
10 Ernest Marie de Geslin sera remplacé par Ernest Dumas.
11 Probablement Edouard Bureau.
12 Louise non identifiée.
13 Alfred Grandidier et son épouse Jeanne Louise Marie Vergé.
14 Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original


Pour citer ce document

Marie Mertzdorff, «Dimanche 20 décembre 1874», correspondancefamiliale [En ligne], Correspondance familiale, 1870-1879, 1874,mis à jour le : 17/10/2013

Danièle Poublan

Cécile Dauphin

Centre de recherches historiques
EHESS
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F-75006 Paris