1871 |
1871-091
Eugénie Desnoyers (épouse Mertzdorff)Lundi 11 septembre 1871
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay)
11 Septembre 71
Ma chère petite Gla,
Je tiens à te donner de suite des nouvelles de papa et de maman2, ils nous sont arrivés hier à midi ½ en très bon état, pas trop fatigués, malgré la grande chaleur. Nous ne leur trouvons pas mauvaise mine, papa est maigri, mais le teint est meilleur que lorsque nous vous avions quittés ; maman qui Jeudi avait mal à la gorge, paraît-il, ne tousse pas et me paraît bien. Je les ai installés dans les chambres près du cabinet de Charles3, là maman n'aura pas de vent, et sera plus près de nous qu'au second, elle paraît contente de cet arrangement.
Tu devines bien que de part et d'autre on a eu de l'émotion quand papa et maman se sont retrouvés dans notre maison, nous avions tous formés tant de rêves pour le temps où notre Julien4 serait ici... Pauvre mère tout est changé maintenant, il faut se résigner. Elle est bien courageuse. Nous parlons ensemble de ce bon chéri, on voit que cela lui est doux, et j'éprouve le même sentiment.
Figure-toi que les images que tu avais commandées rue St Sulpice ont justement été remises à papa au Jardin, au moment de son départ, de sorte qu'il a laissé à Alfred5 de quoi aller les payer. Voilà donc nos projets un peu arrêtés dans leur exécution, je vais tâcher d'arranger cela.
Maman voulait t'écrire, mais je m'en suis chargée, voulant te remercier pour la bonne lettre que tu as écrite à Emilie6 et qui a fait la joie de toute notre colonie. Votre pêche mérite compliment car nous ne connaissions pas la présence de l'écrevisse dans le canal du pont. A propos du pont, n'y a-t-il pas quelques planches de pourries ; pour cela comme pour toute chose du même ordre fais faire avec Alphonse7 ce que tu trouveras utile. Les notes seront acquittées chez M. Dugué si Michel8 n'a plus d'argent...
Je puis te répéter que nous sommes tous bien heureux de te savoir à Launay, bonne petite maîtresse de maison, et je m'en rapporte à toi, pour que tout ton monde s'y trouve bien. Je regrette l'absence des noisettes, car c'est un des charmes de Launay en Automne ; les Noix doivent commencer à être bonnes. Ici, j'ai servi à papa aujourd'hui un fromage à la crème à la façon de la mère Michel9 afin de lui faire un peu illusion. Ce bon père jouit beaucoup de son rocher, qui est vraiment magnifique, je lui ai donné un sécateur il s'est déjà mis à couper telle ou telle branches qui cachent la vue d'une cascade ou d'une autre ; aujourd'hui l'orage menace et nous restons à la maison, je vais tâcher de faire faire quelques promenades avant que les temps d'automne n'arrivent.
Les petites Berger10 vont aller en pension, tu juges du vide que cela fera dans les récréations de mes petites filles11.
La caisse de maman a été changée à Mulhouse par ces vilains Prussiens, j'espère qu'elle va revenir ce soir...
6h. La visite de Mme Heuchel12 m'a empêchée de continuer ma causerie, je la reprends pendant que maman finit d'écrire à Alfred. Cette visite a été très émouvante, deux pauvres mères qui, depuis qu'elles se sont vues, ont chacune à pleurer leur enfant. Que de douleur, aussi papa et maman ont l'air fatigués, leurs figures retracent la douleur que cette conversation a renouvelée.
Et cette pauvre Louise13 comment est-elle ? Sa tâche est si grande qu'elle ne peut pas penser à elle. Fais-lui bien mes amitiés ainsi qu'à Cécile14 et embrasse les enfants pour tante Eugénie et ses petites filles. Jean15 saura qui c'est et expliquera. Tu peux dire à ce bon petit chou que ses amies16 veulent se distraire du départ de leurs amies17 en faisant force collection, il pourrait s'associer avec elles comme premier préparateur.
Encore dérangée,- Voilà la caisse de maman revenue,- un morceau de sanglier qu'on m'envoie, le gibier est rare par cette grande chaleur. Marie et Emilie rentrent de la promenade avec Cécile18. Papa et maman sont là pour le souper.
Adieu, ma bonne petite chérie, écris-moi souvent et avec détails, je continuerai à en faire autant que nous puissions vivre en pensée de la vie de Launay et de Vieux-Thann. Papa, maman, Charles, les enfants et ton humble servante t'embrassent de tout cœur
Eugénie
Notes
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D’après l’original
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Cécile Dauphin
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