1855 |
1855-05
Caroline DumérilMardi 28 août 1855
Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Adèle Duméril (Trouville)
Paris 28 Août 1855
Je suis sûre, ma chère Adèle, que tu vas croire au miracle en voyant pour toi une lettre de mon écriture ; tu croiras peut-être que tu es encore endormie et tu te frotteras bien les yeux pour t’assurer que tu es réellement réveillée. Ce n’est pourtant pas une farce, c’est bien moi, moi Crol Duméril qui écrit à ma chère petite cousine Adèle et qui lui demande bien humblement pardon pour avoir tant tardé à répondre à ses aimables billets, maintenant que j’ai fait des excuses, je vais donner des nouvelles et je commence par la plus grande c’est-à-dire par la naissance du petit Cordier1. Ce petit bonhomme est venu au monde dans la nuit de Dimanche à Lundi, il était à merveille hier et sa mère était fort bien aussi. M. Cordier est enchanté d’avoir un fils de plus. Pour te mettre mieux au courant de nos faits et gestes je vais te détailler notre vie jour par jour depuis le moment où papa2 vous a écrit.
Samedi dans l’après-midi nous avons eu toute la famille Cumont ; Esther et son mari3 nous ont fait leurs adieux mais mon oncle et ma tante nous ont promis de revenir, cette même après-midi, Mme Philipon4 nous a fait visite avec son fils.
Dimanche je suis partie à 11 h. ½ avec bon-papa5 pour aller faire visite à Mme Bourgeois6, à Passy nous ne l’avons pas trouvée et nous sommes allés de là à l’Exposition7 quoique ce fut un jour à 4 sous parce que bon-papa tenait à voir l’Exposition au Muséum, il en a été très content et a fort approuvé la manière dont M. Bocourt a arrangé tout cela ; l’urine de serpent surtout produit un effet magnifique. Le soir Mme Duvernoy8 est venue et a fait sa partie, elle a chargé de dire mille choses affectueuses à tes parents9. Hier Lundi, mon oncle et ma tante Cumont sont venus déjeuner avec Charles10 ; le déjeuner avait été fixé à 11 h. et le matin nous avons pris notre café avec M. Malard qui est arrivé à 6 h. du matin. Jusqu’à présent toutes ses démarches et celles de bon-papa n’ont rien produit mais il faut attendre. A 3 heures nous sommes partis papa, maman11 et moi pour Belleville où maman devait être marraine par procuration du petit Camille Vasseur12 ; la cérémonie s’est très bien passée et nous sommes restés à dîner chez mon cousin Edouard ; en rentrant fort tard, nous avons eu le regret d’apprendre que nous avions manqué la bonne visite de Mlle Ghiselain et d’Anatole13 ; à propos de cela comment va M. Charles14 ? Ce soir j’aurai j’espère le grand plaisir de voir ces demoiselles Desnoyers15, elles ont dû passer la journée à Paris et ne s’en retourneront que demain. Bon-papa compte aller dîner demain à Versailles, il vient d’écrire à Mme de Tarlé16 pour le lui annoncer.
Mon oncle et ma tante Cumont sont partis aujourd’hui pour Montataire, ma cousine Fröhlich17 arrivera d’aujourd’hui en huit à Paris. Je ne suis pas étonnée que les Pochet18 ne soient pas venus Dimanche. Ils feront sans doute comme Georges il y a deux ans, ils attendront Eugénie le premier Dimanche, à double marée ; hier on a prié Gisèle19 de ne pas venir chercher le gilet de Léon20 et tes bottes ; vous les aurez plus tôt par bon-papa. Je ne sais si je vous ai écrit que Petit Farceur a tout à fait donné dans l’œil de ma cousine Fröhlich, il est convenu (si toutefois vous approuvez le projet) il est convenu que que nous porterons nous-mêmes ce jeune et intéressant animal à Montataire afin de l’habituer à sa nouvelle demeure. Dans ce moment, je suis toute seule à la maison avec Henriette et Alexandrine21. Bon-papa est à l’Académie, M. Malard et papa sont en course et bonne-maman22 et maman sont à la distribution des prix d’Alfred Salvé dans l’amphithéâtre du jardin ; quant à moi, je m’en suis privée et j’ai mieux aimé rester à t’écrire ; n’est-ce ne trouves-tu pas extraordinaire que bonne-maman soit allée à cette cérémonie par la chaleur qu’il fait mais voilà qu’à ce moment même où je t’écris ces dames rentrent, la foule est si grande qu’elles n’ont pu entrer. Cette pauvre Mlle Bibron ne va pas bien, la voilà remise au lit avec défense d’en sortir ce sont les intestins qui la font beaucoup souffrir.
Adieu, ma chère Adèle, sans phrase et sans plaisanterie je te dirai que l’heure de la poste me presse beaucoup il est 3 h. ½ passées et je vais être obligée d’envoyer ma lettre rue du Cardinal Lemoine.
Au revoir donc chérie, je t’envoie bon nombre de baisers dont tu pourras distribuer plusieurs autour de toi en gardant pour toi-même la plus grande et la meilleure part pour te payer de la commission. Ta cousine et amie.
Caroline Duméril.
Tu diras je te prie un bonjour affectueux de ma part à Louise.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer ce document
Index
Compléments historiographiques
Cécile Dauphin
Centre de recherches historiques
EHESS
54 boulevard Raspail
F-75006 Paris